Par Maxime Tamburello
Depuis la fin des guerres coloniales, les opérations militaires menées par la France, seule ou en coalition, ont été marquées par la nécessité d’une approche interarmée[1]. En conséquence de ce mouvement profond, une adaptation du support des armées a été réalisée ces dernières années, notamment dans l’infrastructure de la défense. En 2005[2], le Service d’Infrastructure de la Défense (SID) a été créé par la fusion de la Direction centrale du génie (Armée de terre), de la Direction centrale d’infrastructure de l’air (Armée de l’air) et de la Direction centrale des travaux immobiliers et maritimes (Marine nationale). L’établissement de ce nouveau Service a été accompagné par la création du corps des Ingénieurs Militaires d’Infrastructure (IMI) en 2010[3], provoquant l’extinction des anciens corps.
Missions générales et données chiffrées
La synthèse d’activité de 2015 précise que : « le SID est l’opérateur unique de gestion immobilière et d’énergie du ministère [des armées]. Rattaché directement au SGA [Secrétariat Général pour l’Administration des armées], ce service interarmées entretient et administre l’ensemble des biens du ministère en Métropole, en Outre-mer, à l’étranger et sur les théâtres d’opérations. Ce patrimoine conséquent par son dimensionnement, sa diversité et son caractère stratégique, nécessite des compétences techniques spécifiques et adaptées à chaque type d’installations ».
Le graphique ci-dessus permet d’illustrer les détails des grands équilibres donnés. Le SID regroupe environ 7000 personnels dont les deux-tiers sont des civils, pour un chiffre d’affaire de 1745 millions d’euros, dont 301 millions d’euros consacrés à l’énergie. Le SID gère plus de 4200 immeubles et plus de 2800 millions de mètres-carrés de terrains, ce qui représente environ 40% du patrimoine total de l’État. En ce qui concerne l’investissement, le SID lance par an plus de 20 000 marchés publics dont 100 opérations d’infrastructure d’un montant supérieur à 1 million d’euros ; ces investissements sont réalisés sur l’intégralité du territoire.
La description de ses missions donne l’ampleur des responsabilités dévolues au SID. Ainsi, en ce qui concerne les différents types d’installations, on trouve des hôpitaux, des bâtiments de logements et de bureaux, bibliothèques, bâtiments d’archives, bases terrestres, bases aériennes, tours de contrôle, radars, bases navales, grues, routes, centrales électriques thermiques, barrages, stations de pompage, stations d’épuration, voies ferrées, entrepôts, hangars, cales pour bateaux, pontons (ras), systèmes incendie, centres d’entraînement, pas de tirs, simulateurs de pilotage, data centers… la liste est très loin d’être exhaustive !
Critiques principales
Les critiques majeures qui peuvent formulées sont de deux ordres. Premièrement, ce service est né de la fusion d’anciens services qui avaient chacun des spécificités et des mentalités propres. Ainsi, reverser l’intégralité des personnels dans ce nouveau service n’a pas été chose aisée, puisque des personnels qui pouvaient avoir entre eux des tensions amicales de services appartiennent maintenant à une même institution : il fallait donc dépasser les a priori. Cependant, le SID a maintenant plus d’une décennie d’existence, et ces différences commencent à s’estomper, si bien qu’elles ne sont plus vraiment visibles. Un autre facteur d’apaisement est la création d’une école de formation des IMI unique[4] : l’École Nationale Supérieure d’Ingénieur d’infrastructure Militaire (ENSIM), adossée à l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers (ENSAM), et notamment à son campus d’Angers.
Deuxièmement, toutes les compétences ayant été regroupées dans un seul service, certains personnels peuvent se sentir déconcertés : en effet, demander à d’anciens personnels de la direction centrale de l’infrastructure de l’air qui s’occupaient donc de l’aménagement de bases aériennes de se mettre à réaliser des ouvrages maritimes sous contraintes de sûreté nucléaire n’est pas chose évidente, nonobstant l’uniformisation ou plutôt la standardisation des procédures. Cependant, d’une part l’adaptation est une caractéristique intrinsèque du ministère des armées ; d’autre part les affectations à certains postes sont réfléchies pour tenir compte des besoins et des demandes formulées.
Enjeux vers 2020
Plusieurs enjeux peuvent être dégagés pour le SID à l’horizon 2020. Ils sont de trois ordres. Premièrement, une réflexion fondamentale est actuellement menée quant à l’externalisation de certaines missions[5]. En effet, le SID se caractérise par la présence de nombreux ouvriers de l’État, notamment dans la régie. Or un mouvement général des administrations françaises est l’établissement d’accords-cadres avec des prestataires externes. Toutefois, les projets portés par le SID se caractérisent par la conservation des secrets de la défense nationale et par une grande technicité, si bien qu’un certain nombre de tâches ne peuvent être réalisées qu’en interne. Dès lors, les arbitrages dépendront des missions et des sites concernés.
Deuxièmement, un recentrage sur les domaines stratégiques est en cours. Le SID est subdivisé en sept ESID (Établissement du SID). L’objectif de ce plan est que chaque Établissement soit spécialisé dans une discipline technique. Cela permettrait de mutualiser les moyens sur un seul site ; a contrario ce mouvement nécessite une meilleure communication horizontale entre les services, et une expérience des personnels : en effet, bien que théoriquement les situations puissent présenter des similitudes, les contingences dues au terrain ou au climat par exemple peuvent entrer en compte dans le dimensionnement des installations.
Enfin, un troisième objectif qui peut se recouper avec les autres est une meilleure gestion des ressources humaines en interne et en externe. En interne, avec des formations continues – pour permettre par exemple la prise en compte de nouvelles problématiques comme l’environnement – et des mobilités – ce qui peut poser des difficultés pour les personnels civils – ; et en externe avec une fidélisation des personnels recrutés et le niveau désiré[6] de ceux-ci.
Sources :
[1] Par exemple, pour l’Opération Serval au Mali (puis Barkhane), c’est aussi bien l’Armée de terre avec ses véhicules blindés ou ses hélicoptères que l’Armée de l’air avec ses Rafales qui traquent les groupes armés terroristes ; par conséquent les bases opérationnelles dans lesquelles ces moyens sont regroupés sont fondamentalement interarmées.
[2] Arrêté du 22 novembre 2005 portant organisation du Service d’Infrastructure de la Défense
[3] Décret 2010-1239 du 20 octobre 2010
[4] Arrêté du 13 décembre 2010 modifiant l’arrêté du 22 novembre 2005 portant organisation du service d’infrastructure de la défense
[5] Projet « SID 2020 »
[6] En effet, la plupart des Ingénieurs d’Études et de Fabrications (IEF) sont recrutés parmi les Techniciens Supérieurs des Études et de Fabrications (TSEF), ce qui peut dans un certain nombre de cas provoquer des difficultés que seules des formations peuvent pallier.