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La privatisation du renseignement : quels enjeux ?
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La nouvelle Loi de Programmation Militaire (LPM) prévoit un doublement du budget des services de renseignement. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction du renseignement militaire (DRM) et la Direction du renseignement et de la sécurité et de la défense (DRSD) verront leur budget annuel cumulé passer de 500 millions d’euros annuels en 2017 à près de 1 milliard d’euros en 2030. Dans un contexte de montée des menaces, la communauté du renseignement est mise au défi de l’autonomie de ses services.

 

Défini comme une fonction régalienne par la loi du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire[1], ce secteur connaît une privatisation croissante depuis la fin de la Guerre froide, et ce dans plusieurs pays. Les entreprises de Services de Sécurité et de Défense (ESSD) se sont développées depuis une vingtaine d’années pour répondre au besoin croissant en sécurité de la part d’acteurs tant privés que publics. Aux Etats-Unis, la réduction des budgets de ce secteur dans les années 1990 a conduit à un transfert d’activité dans le secteur privé.

 

Cette évolution pose plusieurs questions :

 

La première est celle d’une potentielle concurrence entre les services de renseignements des secteurs privés et publics. Si les Etats, les agences de renseignement et les ministères des Armées avaient initialement recours aux technologies de sociétés, ces services couvrent maintenant l’ensemble des activités de renseignement (collecte du renseignement, analyse, contre-ingérence…). A Londres, le secteur du renseignement privé est en plein essor avec une croissance estimée à 19 milliards de dollars. Le gouvernement britannique peine ainsi à retenir les analystes qui sont attirés par des salaires élevés et davantage d’opportunités de croissance au sein de cette industrie.

 

La seconde problématique concerne le risque d’une dépendance des gouvernements envers ces sociétés privées[2]. D’une part, le secteur privé peut davantage se permettre d’investir dans les innovations technologiques que le renseignement d’Etat qui doit maintenir un budget stable et plus réglementé. D’autre part, la diversification des domaines de renseignement pourrait amener l’Etat à ne pas pouvoir couvrir l’ensemble des menaces et avoir recours aux services de certaines sociétés privées de renseignement dans des domaines spécifiques.

 

La troisième problématique concerne le recours à des pratiques exceptionnelles initialement réservées à l’Etat, par des sociétés privées. Quand il appartient au secteur public, le renseignement permet l’utilisation de techniques exceptionnelles à des fins de souveraineté : écoutes téléphoniques, captations d’images dans un lieu privé, captations de données informatiques… Les finalités qui peuvent justifier la mise en œuvre de ces techniques concernant la protection de la souveraineté de la France. Les services de renseignement privés œuvrent aussi à cette fin, la protection des technologies de pointe étant un enjeu majeur de souveraineté pour les Etats. Les méthodes d’opérations de ces services privés est un autre point d’attention.

 

Enfin, la privatisation du renseignement pose la question de la protection du secret et du traitement des technologies sensibles par des sociétés privées. La privatisation du renseignement nécessite une régulation globale. Si plusieurs lois internationales interdisent à ces sociétés de vendre leurs services ou technologies à certains Etats, il reste une large part de zone grise quant aux réglementations juridiques des activités de ces sociétés.

 

 


[2] Van Puyvelde, Damien. « Quelles leçons tirer de la privatisation du renseignement aux États-Unis ? », Revue internationale et stratégique, vol. 87, no. 3, 2012, pp. 42-52.
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