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Retour des Etats-Unis en Arctique
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Depuis la fin de la Guerre froide, les Etats-Unis ont largement laissé le champ libre à la Marine russe et plus particulièrement à ses sous-marins dans les mers de Barents, de Kara et la mer Blanche. Mais désormais, l’US Navy fait régulièrement transiter voire patrouiller des navires dans le cercle arctique. La dernière patrouille en date était composée de trois destroyers appartenant à la sixième flotte et normalement basés en Espagne, accompagnés d’une frégate britannique. Ce mouvement vers l’Arctique avait déjà été enclenché en 2018 avec le passage du porte-avions USS Harry S. Truman puis en 2019, avec la patrouille d’un groupe d’action de surface. La dernière patrouille en date, notifiée par avance aux autorités russes, comportait des destroyers équipés d’armements anti-sous-marins. Cette opération permettait de rappeler aux Russes que ces mers restent des eaux internationales. La Marine russe a annoncé de son côté un exercice de tir dans la mer de Barents, qui peut être perçu comme une réponse à la patrouille américaine.

 

Ce retour américain en Arctique correspond à l’intérêt toujours croissant de la Russie pour cette région. Pour Moscou, la région arctique cristallise des enjeux économiques et sécuritaires ; les forces russes renforcent donc leur présence dans la zone ce qui, selon Michael Murphy, membre du Bureau des Affaires Européennes et Eurasiennes au Département d’Etat, menace les flancs nord des Etats-Unis et de l’OTAN. L’établissement d’une base russe en Arctique, de batteries de missiles le long de la côte, de radars d’alerte précoce et même de moyens de défense aérienne montrent la détermination russe à contrôler la région qui reste tout de même particulièrement liée à l’Atlantique Nord, notamment autour du passage dit GIUK (Greenland, Iceland, United Kingdom), zone centrale pour l’OTAN et où passent les câbles transatlantiques. Dans l’intérêt des Etats-Unis et de l’OTAN, Murphy explique que ces eaux doivent rester ouvertes à la navigation dans le respect du droit international. La comparaison pourrait être faite avec la mer de Chine où Pékin cherche à étendre sa puissance et son influence pour contrôler économiquement et militairement la zone ; là aussi les Etats-Unis tentent de s’y opposer.

 

Mais les Etats-Unis ont-ils les moyens de leur ambition ?

 

Déjà, ils auront besoin d’une flotte de brise-glaces lourds pour ne pas dépendre des Russes afin de mener leurs opérations de liberté de navigation dans le cercle polaire. Pour l’instant, la Garde côtière américaine possède un seul brise-glace lourd opérationnel, le Polar Star, dont le sister-ship sert de réserve de pièces détachées pour la maintenance du premier. Mais, depuis l’année dernière, un programme prévoit la commande de trois brise-glaces lourds et trois autres pouvant briser une glace moins épaisse et la Garde côtière a signé un contrat de 746 millions de dollars avec VT Halter Marine pour la construction du premier brise-glace lourd en 2019. Cette année, le budget devrait lui permettre de financer la construction d’un second.

 

De plus, contrairement à la Russie, les Etats-Unis ont peu d’infrastructures dans la zone. Dans le budget de l’année fiscale 2020, le Congrès souhaitait recevoir un rapport évaluant des sites pour construire un port au nord des Etats-Unis, ouvrant sur l’Arctique car, pour l’instant, le port le plus proche se situe au sud de l’Alaska, à proximité d’Anchorage, et demande aux navires un détour de plus de 1000 km pour arriver dans leur zone de déploiement. Les Etats-Unis entendent également pallier leurs lacunes en matière de capacités de communication en Arctique ainsi qu’améliorer leurs capacités de collecte et d’analyse des données sur l’évolution des caractéristiques de l’Arctique afin de pouvoir y planifier leurs opérations.

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