Par Cyrille Bricout
Le 30 avril dernier, Europol a publié un rapport sur les conséquences de l’épidémie de Covid-19 et des politiques adoptées dans ce cadre sur la variété et l’intensité de pratiques délictuelles et criminelles en Europe. Cette étude s’est particulièrement arrêtée sur les activités liées aux réseaux criminels. Europol a distingué trois phases, correspondant respectivement au confinement, à la levée progressive des mesures restrictives, et à la reprise de l’activité à un niveau « normal ».
A court terme, c’est-à-dire au cours du confinement, le rapport a relevé une forte hausse de la cybercriminalité ainsi que de la vente de produits contrefaits et autres infractions au droit de la propriété intellectuelle. Les agissements liés à la cybercriminalité ont gagné en ampleur et en sophistication, et les réseaux n’ont pas tardé à recruter pour mener des attaques à grande échelle, et ont particulièrement visés des établissements appartenant à des secteurs sensibles, comme l’éducation ou la santé. Europol a également noté que le délai entre l’infection par un virus de type « rançongiciel » et le déclenchement de l’attaque a globalement été raccourci. Le rapport souligne également un accroissement de la diffusion en ligne de contenu relatif à la maltraitance d’enfants, et la prolifération d’encarts publicitaires frauduleux faisant la promotion de traitements médicaux anti-Covid-19.
A moyen terme, Europol estime que les cybercriminels pourraient relâcher la pression sur les secteurs de la santé et de l’éducation, pour se remettre à cibler les entreprises au fur et à mesure de la reprise de leur activité. En revanche, le risque lié à la maltraitance d’enfants en ligne persistera tant que ces derniers feront un usage particulièrement intensif d’outils informatiques. La vente de produits contrefaits et/ou de mauvaise qualité – masques, médicaments, désinfectants et même vaccins – devrait persister tant que la demande ne faiblit pas. Certaines mesures comme l’obligation de porter un masque dans l’espace public pourraient même stimuler le trafic. La morosité économique qui accompagne la crise sanitaire pourrait en outre encourager les criminels à utiliser le système bancaire et financier européen pour blanchir des capitaux, ou à conduire de telles opérations hors de l’UE, dans des pays dotés de dispositifs anti-blanchiment moins performants : à cause du ralentissement économique, certains biens prisés des blanchisseurs pourraient voir leur prix baisser, notamment dans le secteur de l’immobilier, et la réticence des acteurs économiques face aux transactions dissimulées pourrait plus généralement faiblir. Le trafic de drogue, qui a connu une baisse à cause de la fermeture des frontières et les mesures de confinement, devrait retrouver son niveau habituel dès la levée des mesures de restriction. Il en va de même pour le trafic de migrants.
A long terme, la mauvaise situation économique pourrait encourager la corruption et faciliter le recrutement au sein de réseaux criminels. La persistance de comportements générant un usage intensif de services informatiques, comme le télétravail et le commerce en ligne, maintiendrait le cas échéant les cybermenaces à un niveau supérieur à celui d’avant-crise. Les flux migratoires, et par extension le trafic de migrants, pourraient être stimulés par une aggravation de la situation économique des pays de départ, voire par un accroissement de la demande de main-d’œuvre peu qualifiée dans certains pays de destination. Tant que la demande de matériel médical et pharmaceutique se maintiendra, les pharmacies, hôpitaux et fournisseurs continueront probablement d’être visés par des cambriolages. Les délits financiers – blanchiment d’argent, investissements frauduleux… – devraient connaître une intensification durable.
Le rapport en anglais est disponible dans son intégralité sous ce lien : https://www.europol.europa.eu/publications-documents/beyond-pandemic-how-covid-19-will-shape-serious-and-organised-crime-landscape-in-eu