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France : l’industrie de défense face à la crise sanitaire
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Par Pacôme Sébastien

 

La commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a auditionné le 23 avril dernier Hervé Guillou, président du Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN), Stéphane Mayer, président du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) ainsi qu’Eric Trappier, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS).

 

En premier lieu, Stéphane Mayer, président du GICAT, a souligné que la continuité des opérations militaires implique celle du soutien et du renouvellement des équipements, assurés par les industriels de défense. Il rejoint ainsi les différents appels à la continuité de l’industrie de défense, à l’instar de celui formulé par la ministre des Armées dans une lettre adressée aux présidents d’entreprises. Les plans de continuité des activités ont été déclenchés immédiatement, avec pour impératifs de garantir la santé des travailleurs, en convaincre les partenaires sociaux et les salariés, ainsi que de respecter les engagements envers les armées françaises et étrangères. En effet, les exportations représentent entre 35 et 50% de la production industrielle, selon les entreprises membres du GICAT.

 

Les représentants du secteur ont établi une liste d’activités prioritaires en collaboration étroite avec la Direction générale de l’Armement (DGA). La « priorité absolue » est le soutien des matériels en opération et des équipements relatifs à la dissuasion et à la défense aérienne. Si l’importance des qualifications et livraisons des équipements neufs a été soulignée, la situation « conduit à des retards inévitables » en production, en développement ou en qualification. « C’est un cas de force majeure, prévu par les contrats », qui ne conduira pas « à l’application de pénalités », selon Stéphane Mayer.

 

En parallèle, les bureaux, les bancs de tests, les chaînes de production, les centres logistiques sont adaptés aux nécessités des gestes barrières et de la protection sanitaire. Ces mesures sont instaurées en collaboration étroite avec les médecins du travail, les spécialistes de santé et de sécurité au travail et les partenaires sociaux.

 

« Sans arrêter les activités primordiales » précitées, le secteur subit des arrêts de production, d’une semaine à « beaucoup plus », avec « dans tous les cas [un] recours massif au télétravail ». Par négociation, l’organisation du travail et les congés seront aménagés, et les employeurs ont déjà recours au travail à temps partiel. Au début du confinement, plus de 60% des entreprises du Conseil des industries de défense françaises (CIDEF) étaient à l’arrêt ou très perturbées. Les entreprises reprennent progressivement, avec 30 à 70% maximum de leurs effectifs au travail et une présence sur site de 20 à 30% des salariés. En outre, la solidarité des entreprises du CIDEF s’est observée, par le don et la production de masques et de gel hydroalcoolique.

 

Enfin, si les mesures de sauvegarde de l’industrie française à court terme sont essentielles, Stéphane Mayer estime que la base industrielle et technologique de défense (BITD) requiert un plan de relance spécifique, à l’instar des mesures sectorielles prises en réponse à la crise de 2008. Ce soutien budgétaire devrait être entériné par une révision des lois de finances et de programmation militaire. En collaboration avec la direction générale de l’armement (DGA), il s’agirait de maintenir les contrats en cours et de réceptionner les commandes pouvant être livrées.

 

Le président du GIFAS, Eric Trappier a quant à lui souligné les spécificités du secteur aéronautique, qui réside notamment dans la dualité des entreprises du secteur : œuvrant dans des domaines civil et militaire, elles sont fortement impactées par la crise du transport aérien et de la production aéronautique civile. Les sociétés du GIFAS comptent environ un tiers des effectifs sur site, un autre tiers en télétravail et encore un tiers en chômage partiel. Elles représentent 200 000 emplois directs. La situation de la production d’hélicoptère est tout aussi critique.

 

Enfin, Hervé Guillou s’est exprimé au nom d’entreprises navales de défense, en tant que président du GICAN. Les problématiques sont similaires, pour un groupement comptant plus de 45 000 emplois directs. Si certains chantiers ne se sont pas arrêtés, comme ceux de l’île Longue – abritant la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins -, les opérations à bord des navires ont été interrompues, eu égard au caractère exigu des lieux de travail. Par ailleurs, la fermeture des frontières entrave la mobilité des travailleurs détachés. Alors que leurs principaux concurrents, chinois et allemands, demeurent très actifs sur les appels d’offres, le président du GICAN craint une perte de compétitivité, au terme de la crise, de la part des entreprises françaises. Les sociétés, fragilisées, pourraient faire l’objet d’offres publiques d’achat (OPA) hostiles. Un plan de relance dédié au secteur de la défense, soutenant les entreprises ancrées sur le territoire nationale et employant des sous-traitants en grande majorité français et européens serait alors essentiel.

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