Par Pacôme Sébastien
Un laboratoire d’idées londonien, l’International Institute for Strategic Studies (IISS), a publié le 9 avril dernier un état des lieux comparé de l’engagement des armées ouest-européennes dans la lutte contre la pandémie[1]. Les militaires européens sont employés principalement dans trois types de missions : le soin, le transport médical et le maintien de l’ordre intérieur incluant le respect du confinement.
L’Italie a déployé des militaires ainsi que deux hôpitaux de campagne en Lombardie. Les deux hôpitaux militaires, à Rome et à Milan, ont également cessé toute activité qui ne relève pas de l’urgence afin d’accroître les capacités d’accueil de patients contaminés par le virus. 6 800 lits ont été ouverts au total dans les centres médicaux de l’armée italienne. Le soutien logistique militaire inclut des avions de transport Hercules C-130J et Boeing KC-767 pour l’acheminement d’équipements individuels de protection, tandis que des hélicoptères NH90 et AW101 sont mobilisés dans le déplacement de malades et d’équipes médicales. Plus de 4 800 militaires ont été concernés par ces missions sanitaires à compter de fin mars. En outre, l’appareil industriel de défense italien participe à la production de gel désinfectant et d’équipement de soin intensif.
En Allemagne, les réservistes dotés de compétences médicales ont été appelés. L’agence d’approvisionnement de la Bundeswehr – les forces armées fédérales – participe, depuis mi-mars, au renforcement et au pré-positionnement des stocks d’équipements médicaux. La Bundeswehr aurait mis à disposition des autorités civiles plus de 15 000 soldats à compter du 3 avril, dont 6 000 destinés au soutien général à la population, 5 500 pour la protection – probablement d’infrastructures critiques – et 2 500 pour la logistique. Des unités de défense de type NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique, Chimique) sont également sollicitées et des militaires sont impliqués dans la campagne de test du COVID-19.
Parallèlement, la France a lancé le 25 mars l’opération Résilience [détaillée dans notre lettre du 1eravril]. L’Espagne a quant à elle déployé plus de 2 500 soldats dans le cadre de l’opération Balmis[2]. Les forces armées espagnoles ont fourni un soutien logistique et ont participé à l’installation de 16 hôpitaux de campagne. Les deux principaux hôpitaux militaires, à Madrid et à Saragosse, traitent déjà des patients atteints du COVID-19, tandis que les médecins réservistes ont été appelés pour soutenir le personnel médical civil.
Outre-Manche, le ministère de la Défense du Royaume-Uni s’est d’abord concentré sur le soutien logistique et organisationnel ainsi que sur la distribution d’équipements médicaux. Le 18 mars dernier, une force de soutien a été créée, comprenant 20 000 soldats en état d’alerte, deux fois plus que les effectifs initialement prévus. En outre, des hélicoptères CH-47 Chinook, Puma et Wildcat sont déployés en Ecosse, dans la région des Midlands, ainsi que dans le nord et le sud de l’Angleterre pour appuyer les services d’urgence. 150 conducteurs militaires acheminent de l’oxygène médical par voie routière. L’armée britannique a également fourni des spécialistes dans le cadre du rapatriement des Anglais à l’étranger par voie aérienne. Plusieurs hôpitaux de campagne Nightingale ont été annoncés ou installés en urgence dans diverses infrastructures – halls, musée, centre de conférence. Nightingale fait référence au nom d’une pionnière britannique dans le domaine de l’infirmerie. Le premier a été installé à Londres.
L’article de l’IISS souligne que le Royaume-Uni, tout comme l’Allemagne, a écarté la possibilité d’employer des forces armées dans le cadre du maintien de l’ordre et du confinement durant la crise. En particulier, la Loi fondamentale allemande contraint fortement une telle utilisation et l’opinion publique demeure très réticente à l’emploi de militaires pour la sécurité intérieure. La France a suivi la même voie hormis dans le domaine de la lutte antiterroriste, puisque l’opération Sentinelle est maintenue. L’Italie ou l’Espagne, au contraire, imposent le confinement avec la participation de leurs militaires.
[1]« Europe’s Armed Forces and the Fight against COVID-19 ». IISS.https://www.iiss.org/blogs/military-balance/2020/04/europe-armed-forces-covid-19 (consulté le 12 avril 2020).
[2]« Operation ‘Balmis’ deploys more than 2.500 troops in 172 cities to control COVID-19 – EMAD ».https://emad.defensa.gob.es/en/prensa/noticias/2020/03/listado/200324-Continuacion-Operacion-Balmis.html (consulté le 12 avril 2020).