Par Claire Valor et Cyrille Bricout
Vendredi 7 février dernier, Emmanuel Macron a exposé sa vision de la stratégie de défense et de dissuasion à l’École de guerre. En rappelant les principes fondateurs de la dissuasion nucléaire française, qui est le pinacle de la sécurité française et la garantie des intérêts vitaux du pays, le Président de la République a invité les Européens à assumer le « rôle historique » qu’il estime être le leur dans la « refondation de l’ordre mondial au service de la paix ».
La stratégie présentée par Emmanuel Macron repose sur quatre piliers : la promotion du multilatéralisme, le développement de partenariats stratégiques, la recherche d’une autonomie européenne, et le maintien d’une souveraineté nationale. Ainsi, le chef de l’État aspire à l’ouverture un débat européen au sujet de la dissuasion nucléaire française afin d’assurer la sécurité collective de l’Europe, d’autant plus que la France est désormais la seule puissance nucléaire également membre de l’Union Européenne. En soulignant le « bilan exemplaire » de la France en matière de désarmement nucléaire, dont l’arsenal est aujourd’hui inférieur à 300 ogives, Emmanuel Macron a en outre insisté sur le nécessaire déploiement d’une stratégie internationale portée par la France et appuyée par des partenaires européens en matière de non-prolifération et de désarmement nucléaires.
Le maintien de la souveraineté française comporte un volet budgétaire : dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, la dissuasion nucléaire française doit être modernisée grâce à un budget de 25 milliards d’euros sur la période 2019-2023. Sur le plan institutionnel, Emmanuel Macron a par ailleurs exclu toute participation française à la politique de planification nucléaire de l’OTAN.
Le dialogue européen s’annonce néanmoins ardu. L’Allemagne fait preuve de réticence quant à la question nucléaire et reste très attachée à la vision d’une politique commune de défense sous les auspices de l’OTAN. De fait, le discours d’Emmanuel Macron a suscité peu de réactions du côté allemand, par contraste avec les propos qu’il avait tenus au sujet de l’OTAN en novembre 2019 en employant les termes de « mort cérébrale »[1], et qui avaient suscité une polémique outre-Rhin. En outre, dans le débat concernant le remplacement des avions de combat Tornado actuellement employés par la Luftwaffe, les Etats-Unis exercent une pression sur l’Allemagne en exigeant que son choix se porte sur un appareil capable d’embarquer des armes nucléaires américaines et en se réservant le droit de délivrer la certification afférente[2]. En creux, cette insistance traduit une volonté de conserver la mainmise sur une partie des moyens de défense nucléaire européens.
Toutefois, dans une interview accordée au quotidien Tagesspiegelet parue le 2 février dernier[3], le député allemand Johann Wadephul (CDU, parti démocrate-chrétien) s’est prononcé en faveur d’une coopération franco-allemande en matière de dissuasion nucléaire. Il a émis l’idée d’une participation allemande avec des moyens propres, en contrepartie d’une mise en commun de l’arsenal nucléaire français qui serait placé sous un commandement commun dans le cadre de l’Union Européenne ou de l’OTAN.
Vous pouvez retrouver le discours dans son intégralité sur le site de l’Elysée, sous le lien suivant :
[1](En anglais) https://www.economist.com/europe/2019/11/07/emmanuel-macron-warns-europe-nato-is-becoming-brain-dead
[2](En allemand) https://augengeradeaus.net/2019/11/merkposten-airbus-sieht-eurofighter-auch-bei-electronic-warfare-als-tornado-nachfolger/
[3](En allemand) https://www.tagesspiegel.de/politik/interview-mit-unions-fraktionsvize-johann-wadephul-wir-sollten-uns-an-nuklearer-abschreckung-beteiligen/25500266.html