La poche d’Idlib a été le théâtre d’une confrontation directe entre les forces d’Ankara et de Damas la semaine dernière. Cette escalade des tensions entre les deux pays fait craindre un drame humanitaire pour cette région de 3 millions d’habitants, dont près de 1 millions sont déjà déplacés. La poche d’Idlib, dernier bastion rebelle comptant près de 100 000 djihadistes, a fait l’objet de pourparlers avec notamment la signature en 2018 des accords de Sotchi, censés garantir un cessez-le-feu dans la zone.
Cependant, le régime syrien a lancé différentes offensives qui ont mis fin à cette trêve. Le 6 mai 2019, Tal-Othman et Qalaat al-Madiq ont été reprises par le régime de Bachar Al-Assad. Surtout, le 29 janvier a vu la ville stratégique de Maarat al-Nouman sur la M5 tomber entre les mains du régime syrien. Les rebelles au Sud, soutenus par les Turcs, sont ainsi coupés de leur voie de communication principale avec la Turquie. Il s’ensuit une contre-offensive de ces rebelles autour de Ayn-Issa au Nord de Raqqa. De plus Les Turcs auraient construit au moins 6 postes d’observation près de Saraqeb, nœud routier entre la M4 et la M5. Le 3 février, les affrontements entre les turcs et l’armée arabe syrienne font 8 morts parmi les Turcs. En réponse, 76 soldats syriens auraient péri selon Ankara. Malgré ces échanges entre les postes turcs et l’armée arabe syrienne, Saraqeb est prise par le régime syrien le 6 février, et les Turcs sont contraints de battre en retraite suite à une manœuvre de flanc. Le redéploiement turc est visible avec la création de nouveaux postes d’observation, à l’aéroport de Taftanaz, et à Sarmin, sur la route menant à Idlib.
La province du Hatay en Turquie a ainsi vu de nombreux mouvements de troupes. Le 1er février, des véhicules blindés turcs ont été déployés. Le 8 février, ce sont au moins 300 véhicules et des commandos qui sont stationnés à Hatay. Selon le Syrian observatory of human rights, 1240 véhicules turcs ont passé la frontière avec 5600 soldats la semaine dernière, à partir des villes de Reyhanlı et Kavacık.
Ces événements montrent que la Turquie souhaite ne pas abandonner Idlib, quitte à annoncer la mort de troupes turques, et menacer militairement le régime syrien si celui-ci ne regagnait pas ses anciennes positions avant la fin du mois de février. La justification de l’intervention turque se fait selon Ankara au nom de la défense des civils d’Idlib, et de celles des postes d’observation turcs. Mais la menace d’une nouvelle crise des réfugiés depuis Idlib est aussi un facteur de mécontentement interne en Turquie, fragilisant le gouvernement d’Erdoğan.