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Otan : Innovations doctrinales et capacitaires
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Par Clémence Cassé et Xavier Marié

 

Alors que s’ouvre mardi 3 décembre à Londres le sommet des 70 ans de l’Alliance atlantique, Emmanuel Macron a reçu à l’Elysée le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, le jeudi 28 novembre. Cette rencontre prend place dans le contexte de la polémique ayant fait suite aux propos du Président français dans son interview à The Economist. Alors que politiquement, l’Alliance atlantique se trouve prise dans de fortes turbulences, nous vous proposons de faire un point sur les plus récents développements doctrinaux et capacitaires de l’Alliance.

 

Le 20 novembre, après une rencontre des ministres des Affaires Etrangères des Etats-membres, Jens Stoltenberg a confirmé qu’un milliard de dollars serait consacré à la modernisation de la flotte d’avions d’alerte avancée (AWACS) de l’OTAN. Il a alors aussi annoncé que le premier des cinq drones de surveillance RQ-4 Block 40 (une version du drone RQ-4 Global Hawk, un des rares drones dit HALE – Haute Altitude Longue Endurance – mis en œuvre par l’US Air Force) était en route vers la base de Sigonella en Sicile (base de l’Armée de l’Air italienne qui accueille également une base aéronavale américaine). Il y est arrivé le lendemain après avoir quitté la base aérienne de Palmdale en Californie. Ces cinq drones ainsi que leurs stations de pilotage et de contrôle au sol feront partie de la « capacité alliée de surveillance terrestre » (Alliance Ground Surveillance – AGS) qui permettra aux pays alliés d’accéder aux données recueillies par ces aéronefs et ainsi de renforcer significativement les capacités ISR de l’Alliance, en particulier en Méditerranée et sur toute la zone Proche et Moyen-Orient.

 

Toujours lors de cette rencontre, les ministres des Affaires Etrangères alliés ont annoncé qu’ils faisaient désormais de l’espace un nouveau « domaine opérationnel » de l’Alliance, plaçant l’espace extra-atmosphérique au côté des domaines aérien, terrestre, maritime et cyber (depuis 2016 pour ce dernier, année à partir de laquelle le cyber a connu une forte montée en puissance dans l’agenda de l’OTAN, avec un durcissement des capacités et l’organisation d’exercices) dans lesquels l’OTAN doit assurer la défense de ses Etats-membres. Ainsi, au-delà des domaines opérationnels traditionnels, des capacités et services liés au cyber et à l’espace pourront être demandés aux pays membres. Grâce à l’opérationnalisation de ces deux domaines, les outils spatiaux et cyber des Alliés pourront être mis au service des opérations et des missions de l’Alliance. Néanmoins, pour l’instant, les capacités cyber nationales ne pourront pas être placées sous le commandement et le contrôle (C2) du SACEUR (Commandant suprême allié – Europe) mais resteront sous le commandement et le contrôle de l’Etat les fournissant. Ce découplage pourrait poser des problèmes de coordination dans le cas où elles seraient utilisées pour une opération de l’OTAN. De surcroît, l’extension des domaines d’action de l’Alliance au cyberespace induit une difficulté doctrinale majeure, qui réside dans la détermination du seuil à partir duquel une cyberattaque contre un membre de l’OTAN serait susceptible de justifier la mise en œuvre de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord, soit la clause de défense collective de l’Alliance. En termes opérationnels, il convient de noter qu’au préalable, un centre d’opérations cyber avait été ouvert par l’OTAN en août 2018. Basé au sein du quartier général (SHAPE) de l’OTAN à Mons en Belgique, il devrait atteindre un effectif de 70 experts d’ici 2023, et sera chargé de trois missions principales : le suivi de la situation dans le cyberespace, la planification et la conduite des opérations cyber de l’OTAN.

 

Dans le domaine spatial, Jens Stoltenberg a précisé que la posture de l’OTAN était, et avait vocation à demeurer, purement défensive, ce qui exclut toute arsenalisation de l’espace. Il a souligné le caractère critique de l’espace pour la conduite des opérations de l’Alliance et plus généralement pour le bon fonctionnement de la vie économique et sociale. De fait, sur les quelque 2000 satellites actuellement en orbite, environ la moitié relèvent d’Etats-membres de l’Alliance. Or, a souligné Jens Stoltenberg, ils sont soumis à de nombreuses vulnérabilités qui rendent particulièrement nécessaire le développement d’une stratégie spatiale otanienne et la mise en commun de capacités. Son articulation avec la stratégie spatiale américaine, dont le volet organisationnel est en cours de redéfinition, demeure encore à préciser. De la même manière que pour le cyber, la question du seuil d’activation de l’article 5 en cas d’activité spatiale hostile aux intérêts de l’Alliance demeure pendante.

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