La ville de Beni est sous tension depuis ce jeudi, suite aux nouvelles attaques des Forces démocratiques alliées (ADF) perpétrées contre la population civile – plus de soixante-dix morts en trois semaines et un millier depuis 2014. Les barricades et les manifestations populaires spontanées qui dénonçaient la dégradation sécuritaire constante à l’Est de la RDC ont tourné à l’émeute ce lundi. La population a incendié la mairie et une partie des infrastructures de la MONUSCO qu’elle considère incapable de protéger les civils. La multiplication des assauts de l’ADF à Beni ces dernières semaines apparaît comme des représailles contre les opérations menées dans le Nord-Kivu par l’armée congolaise (les FARDC).
Les forces démocratiques sont à l’origine des rebelles musulmans ougandais opposés au président Yoweri Museveni. Elles arrivent en RDC grâce au soutien du général Mobutu qui leur permet d’installer leur quartier général à Béni et un camp d’entraînement à Buhira. Contraintes de se terrer dans la jungle suite à la destruction de leur base arrière et l’arrestation de leur chef Jamil Muluku, les ADF multiplient à partir de 2014 les massacres de population civile. Aujourd’hui, les objectifs, les mobiles et les réseaux de ces combattants demeurent obscurs et leurs pratiques interrogent. Vivant en autarcie dans les forêts, ils n’entretiennent pas de communication prolixe comme le plus grand nombre d’organisations radicales. Ils ne revendiquent pas leurs attaques et l’identité de leur chef reste présumée (Musa Seka Baluku). Ils rassembleraient 500 à 600 combattants.
Les Forces démocratiques ne sont malheureusement qu’une composante de la crise générale qui sévit en RDC. L’instabilité politique et l’insécurité y sont un problème récurrent, alimenté par la présence d’une centaine de groupes armés et la constitution de milices d’auto-défense qui exacerbent les tensions communautaires. Les violences subies par la population aggravent la crise humanitaire liée aux épidémies fréquentes du virus Ébola. Peinant à protéger la population, l’armée congolaise est soutenue par un déploiement de l’ONU depuis 1999. Mais le mandat de la MONUSCO, le plus coûteux pour l’ONU avec un milliard de dollars annuel prend fin en décembre et devrait laisser place à un désengagement progressif sur trois ans. Ce départ prochain a poussé le président Tshisekedi à se rapprocher de Washington et Paris pour une coopération militaire et humanitaire.
La France qui participe déjà à la mission de l’ONU à hauteur de 58 millions d’euros (2017-2018) a renouvelé sa volonté de soutien. Emmanuel Macron a ainsi signé un deuxième contrat de développement bilatéral prévoyant un investissement de 65 millions, indépendamment des 71 millions déjà consacrés à la santé en RDC sur la période 2018-2021. Lors de sa venue au forum de Paris sur la paix, le chef de l’état congolais a également rencontré le patron de la DGSE afin de préciser les termes d’une coopération en matière de renseignement, particulièrement en ce qui concerne les ADF dans l’Est de la RDC. La politique du nouveau président rompt tout à fait avec celle de son prédécesseur Kabila qui avait rompu la plupart des accords bi et multilatéraux. Cette nouvelle diplomatie ne doit cependant pas détourner Tshisekedi des défis intérieurs qui l’attendent et qui seuls permettront une véritable sortie de crise.