Par Clara Arnaud
Depuis 2017 et la mise en ligne d’une première vidéo de torture, journalistes et observateurs internationaux suspectent les forces paramilitaires Wagner de s’être rendus coupables de crime de guerre. Ces accusations ont toujours été réfutées par le Kremlin. Mercredi 20 novembre, après la publication d’une vidéo de mise à mort particulièrement effroyable d’un déserteur syrien par de présumés mercenaires, le journal Novaïa Gazeta s’est lancé dans une enquête visant à prouver la nationalité russe de ces combattants, ainsi que leur rattachement à des sociétés militaires privées. Les investigations du journal, en se basant sur la reconnaissance faciale de l’un des quatre combattants présents sur la vidéo ainsi que sur des documents d’identité, auraient permis de confirmer leur nationalité et de rattacher les protagonistes au Groupe Wagner.
Il s’agit d’une société paramilitaire crée en 2014 par un ancien Spetnaz (commando) membre du GRU (Direction du renseignement de l’Etat-Major), Dmitri Outkine. Le groupe Wagner serait impliqué dans le conflit au Donbass, en Afrique du Nord, notamment en Libye, en République centrafricaine (RCA) et au Venezuela. Jean Yves le Drian avait déjà condamné les activités de ces mercenaires en RCA et fustigé la connexion entre l’Etat, l’oligarchie et les paramilitaires.
Le mercenariat, est défini par Pascal le Pautremat dans l’Encyclopaedia Universalis comme “ une fonction militaire ou paramilitaire, assurée en contrepartie d’un salaire, comme le révèle l’origine latine du mot (merces, salaire). Assurée par des spécialistes de la guerre, cette activité repose sur des contingents privés prêts à louer leurs services au plus offrant, sans aucune vue patriotique commune.” Officiellement, le mercenariat est interdit en Russie, c’est d’ailleurs l’un des arguments avancé par le Kremlin pour infirmer les accusations d’activité, en Ukraine notamment, et de tortures commises mercredi sur le déserteur syrien. Le déploiement de ces mercenaires en Syrie remonterait à 2015.
Pourtant, le groupe Wagner serait placé sous la tutelle du ministère de la Défense russe, et certains hauts gradés auraient été décorés par le Kremlin. Vladimir Poutine avait déclaré que les sociétés militaires privées avaient le droit d’exercer. Il apparaît ainsi difficile d’appréhender la véritable nature de la relation entre le pouvoir russe et le Groupe Wagner, qui jouit d’une forte opacité. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin et bras droit du président russe Vladimir Poutine a déclaré “ qu’il n’y avait pas de lien entre notre activité militaire en Syrie […] et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour la réputation de la Russie.”
Le groupe Wagner agirait directement pour le compte du régime syrien. En effet, selon Isabelle Mandraud, reporter pour le journal Le Monde, il existerait une connexion entre la force Wagner et Evro Polis, entreprise dirigée par l’oligarque Yevgeny Prigozhin, initialement implantée en Syrie afin de promouvoir la défense et le développement des hydrocarbures. Le groupe Wagner serait devenu une filiale d’Evro Polis.