Mercredi 31 juillet devait se dérouler la première audience du procès du président déchu soudanais Omar El-Béchir, pour corruption. Ce dernier, qui fait l’objet de deux mandats d’arrêt internationaux émis par la Cour Pénale Internationale pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide au Darfour au début des années 2000, n’a pas pu y assister pour des raisons de sécurité, aussi s’ouvrira-t-il finalement le 17 août prochain.
Voilà plus de quatre mois que l’ancien président soudanais a été destitué par son armée, qui dirige depuis lors le pays via un conseil militaire le temps que les modalités d’une transition soient déterminées en accord avec les civils, représentés dans leur grande majorité par l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC). Militaires et civils tentent de trouver un accord, régulièrement interrompu par des épisodes de violences.
La pomme de discorde entre civils et militaires réside dans la composition du futur conseil souverain, institution clé dans les futures négociations pour la transition. D’un côté, les civils soutenus par une partie de la communauté internationale, se refusent à voir un conseil composé à majorité par les militaires, de l’autre, les militaires, soutenus notamment par les Emirats et l’Egypte et l’Arabie saoudite, souhaitent rester en majorité dans ce futur conseil. Dans le bras de fer entre civils et militaires se jouent également deux conceptions du pouvoir, entre démocratie et stabilité régionale.
Autre point clé des négociations : la constitution d’un parlement composé aux deux tiers de civils. Si ce parlement figurait dans l’accord de transition proposé en mai dernier, il ne figurait plus au programme des négociations reprises en juillet, suite à l’interruption de ces dernières après la violence de la dispersion du sit-in de la place centrale de Khartoum le 3 juin dernier. Cette dernière aurait causé la mort d’une centaine de civils, nombre que contestent les autorités militaires. Ces négociations sont à cet égard rythmées par des épisodes de violences, qui en interrompent le cours et rebattent les cartes après chaque interruption.
Récemment, les négociations ont été à nouveau interrompues suite à la mort de cinq lycéens, tués lors d’une manifestation lundi 29 juillet dernier à Al-Obeid dans le centre du pays. Cet événement a été suivi de nombreux mouvements de protestations dans le pays ainsi que la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires à compter du mercredi 31 juillet jusqu’à nouvel ordre. Sur le banc des accusés, une nouvelle fois, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), dirigées par le numéro deux du Conseil militaire à la tête du pays, Mohammed Hamdan Daglo dit Hemeti.
Cette force constitue pour l’heure la plus importante milice du pays et son chef, un des hommes forts de la transition, une personnalité plus que controversée dans le pays. Ancien fidèle du président déchu Omal El-Béchir, il aurait pris part avec sa milice aux massacres des populations du Darfour dans les années 2000. Ce sont ces mêmes paramilitaires qui sont accusés par les civils d’avoir ouvert le feu lors de la dispersion du sit-in de la place centrale de Khartoum. Une enquête officielle a conclu samedi dernier à l’implication de huit paramilitaires dont trois au moins sont membres des forces de soutien rapide dans le massacre du 3 juin. Mais selon cette même enquête, seules 17 personnes ont été tuées le 3 juin, et 87 la semaine qui a suivi.
Suite à ces violences, un nouvel enjeu s’est fait jour dans les négociations pour la transition, celui de la condamnation de ces dernières, à laquelle les militaires s’opposent, défendant l’immunité totale. “Nous ne pouvons pas nous asseoir à la table des négociations avec ceux qui permettent de tuer des révolutionnaires”, a ainsi déclaré Siddig Youssef, l’un des meneurs de la contestation, aussi les négociations semblent-elles une nouvelle fois bloquées.