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RUSSIE / ETATS-UNIS : Le FNI, au crépuscule de l’ancien-monde
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Par Clara Arnaud 

 

Le 3 juillet dernier, la Douma a validé le retrait russe du Traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaires (FNI), traité pilote sur la maîtrise des armements, signé en 1987 par Mikhaël Gorbatchev et Ronald Reagan. Institué afin de mettre un terme à la crise des euromissiles, ce traité apparaissait comme l’une des pierres angulaires de la sécurité euro-atlantique, entérinant la production de missiles dont la portée était comprise entre 500 et 5.500 km.  En 1991, tous les arsenaux de missiles interdits par le Traité avaient été détruits.

 

Pourtant, depuis moins d’une remise en cause de cet outil de contrôle des armements est à l’œuvre pour des raisons tenant, d’une part à des violations présumées de traité par la Fédération de Russie, et d’autre part, à la menace que font peser certains États non liés par les mécanismes de maîtrise des armements.

 

  • Le cas du missile 9M729 Novator

 

En Octobre 2018, Washington avait déclaré son intention de se retirer de ce Traité, au regard de violation répétées des termes du Traité par Moscou. Au cœur de la discorde, le missile 9M729  Novator ou SS8 (code OTAN). L’existence du Novator, produit depuis 2007, n’a été reconnue par la Russie le 9 décembre 2017, tout en soulignant sa conformité.  Les doutes américains avaient quant à eux, commencé à voir le jour bien en amont, en 2013, sous l’administration Obama. 

 

Problème, il s’est avéré impossible d’en mesurer la technologie du Novator, ni même la portée. Afin de diminuer le niveau de pression, Moscou avait présenté le missile controversé à la presse, et affirmé que celui-ci disposait d’une portée de 480 km, se situant au seuil du champ d’application du Traité. Par conséquent, la violation n’était pas établie.  Évidemment, ces déclarations d’intention étaient insuffisantes et peu crédibles pour les États Unis et l’Alliance Atlantique. Ces derniers estiment la portée du Novator à 1500 km. 

 

Le 26 juin dernier, les ministres de la défense de l’OTAN ont à nouveau formulé leur demande de mise en conformité à l’égard de la Russie, et établit un ensemble de mesures visant à contrer la menace que ferait peser la Russie sur la sécurité européenne (renseignement, moyens de reconnaissance, défense antimissile et antiaérienne). Le 5 Juillet, lors du conseil OTAN-RUSSIE, qui s’est tenu après la validation de retrait en février dernier, les pays de l’Alliance ont une nouvelle fois exhorté la Russie à détruire les missiles non-conformes. Ce que Moscou a refusé. Le Traité disposant d’une clause de 6 mois devant précéder le retrait, la sortie des Etats-Unis sera acté le 2 août 2019 sauf rebondissement.

 

  • Un traité à l’influence limitée : la montée en puissance de la Chine sur les questions de défense

 

L’usure du traité FNI tient également à sa nature, bilatérale, et donc inadaptée. Il répondait à un impératif sécuritaire inhérent à la logique des blocs. Bien que certains États, notamment en Europe se soient conformés aux termes du Traité, sur la base d’un destin sécuritaire commun, le traité FNI ne disposait pas d’une force contraignante pour les Etats non liés, et ne disposait pas non plus d’une influence permettant la création de standards internationaux, particulièrement en Asie – à l’exception du Japon – à la différence du Traité de Non Prolifération (TNP).

 

Le dossier FNI demeure intimement lié à la question asiatique, et particulièrement chinoise. Là où Russes et Américains étaient contraints par un cadre juridique international, la Chine, elle, ne l’était pas.  L’Amiral Harris, commandant des forces américaines dans le Pacifique (PACOM) avait déclaré en 2017 que « le traité limite les contre-mesures des États-Unis face aux missiles intermédiaires et de croisière détenus par la Chine et d’autres pays ». Près de 95 % de l’arsenal de missiles produits par la Chine serait interdit par le Traité FNI. La posture agressive de la Chine dans la région, et la stratégie d’empêchement qu’elle a érigé à l’encontre des Etats-Unis ont vraisemblablement conforté la décision de ces derniers de sortir de ce traité. Moscou s’était aussi montrée soucieuse de ce développement d’armes stratégiques par Pékin et du maintien des équilibres régionaux, si bien que Moscou avait proposé d’élargir le Traité FNI aux États du seuil. Cette proposition était restée lettre morte.

 

Les Etats-Unis disposent d’un calendrier d’une semaine pour ratifier le retrait, actant la mort inexorable du FNI. Afin de repenser l’architecture de sécurité internationale et de limiter la course aux armements, il apparaît impératif de créer de nouveaux mécanismes juridiques internationaux intégrant les puissances asiatiques.

 

Par ailleurs, le Traité New START (Strategic Arms Reduction Treat), limitant le nombre  de lanceurs stratégiques et le nombre de têtes nucléaires déployées sur ces lanceurs, signé entre Moscou et Washington en 2010, arrivera à échéance en 2021, posant ainsi la  question de son renouvellement ou d’une possible ouverture à des Etats tiers. Si ces tensions ne sont pas résolues, alors le schéma de la fin du FNI pourrait être appliqué au New START.

 

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