Par Sara Valeri,
Jeudi 18 avril, lors de sa dernière séance plénière avant les élections européennes du 26 mai prochain, le Parlement européen a adopté le projet de règlement sur le Fonds européen de la Défense (FEDef). A l’initiative de la Commission, ce programme budgétaire de 13 milliards d’euros devrait être intégré au prochain cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 afin de soutenir les efforts industriels en matière de recherche et de développement d’armements à l’échelle européenne. Une première pour la défense européenne, qui semblait jusqu’à présent susciter l’enthousiasme (quasi-)général…
C’est bientôt l’aboutissement d’une proposition inédite que la Commission avait lancée en novembre 2016 : allouer une partie du budget communautaire à la recherche et au développement transeuropéens en matière de capacités de défense (dotés respectivement de 4,1 et 8,9 milliards d’euros sans compter l’effet levier auprès des États). Un projet destiné d’une part à promouvoir l’innovation et les technologies dites “de rupture” dans le domaine militaire, afin de rendre le marché européen plus compétitif face aux concurrents américains et chinois ; d’autre part, à harmoniser les productions afin de pallier les surcoûts annuels du dédoublement.
Il s’agit in fine de construire une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), capable de doter l’Europe d’une autonomie stratégique crédible.
L’initiative semblait jouir d’un consensus sans précédent étant donné les objections juridiques et éthiques que soulevait le financement communautaire – par le biais de l’innovation – de la défense européenne. De fait, deux programmes exploratoires au FEDef ont vite été mis sur pied : l’Action préparatoire sur la recherche en matière de défense (APRD/PADR) et le Programme Européen de Développement Industriel dans le domaine de la Défense (PEDID/EDIDP). Un accord provisoire sur le FEDef avait été trouvé au Parlement européen en février dernier, à 337 voix pour et 178 contre, plus 109 abstentions.
Aujourd’hui, la majorité est bien plus courte : à 328 voix Pour, 231 Contre et 19 abstentions, le vote des eurodéputés révèle des mois de négociations et de divisions croissantes au sein du Parlement et avec les Etats-membres. En cause notamment, les critères d’éligibilité des projets : alors que le Parlement milite globalement pour une coopération entre « trois entités juridiques établies dans au moins trois États membres ou pays associés différents », le Conseil et la Commission considèrent que deux États suffiraient. Autres pierres d’achoppement : les objectifs du fonds, le contrôle éthique, les actions financées ainsi que sa gestion —directe et indirecte.
L’opposition menée par les députés Verts, radicaux et certains socialistes dont les trois membres du parti français Génération.s. (qui ont aussitôt diffusé un communiqué de presse fustigeant le vote), estime que le contrôle parlementaire n’est pas assez assuré dans ce dossier, et ce en dépit du fonctionnement habituel du suivi parlementaire sur le CFP. La question du contrôle aux exportations a aussi été soulevée, de même que le rôle des PME qui craignent, dans les pays aux fortes industries comme la France, que les grands maîtres d’œuvre aillent trouver une sous-traitance à bas coût dans l’Est européen.
Appuyée par le PPE (centre-droit), les CRE (droite) et l’ADLE (libéral), le règlement doit encore être voté en Conseil des Ministres, et son montant final fixé lors de l’adoption du budget 2021-2027.