Par Clara Arnaud
Le 9 février dernier, la coalition arabo-kurde, soutenue par Washington, et composée des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), a lancé son offensive finale sur le village de Baghouz, dans la province de Deir Ezzor, situé à l’Est de la Syrie, où les derniers combattants de l’État Islamique (EI) se sont retranchés. Il s’agirait de djihadistes étrangers, accompagnés des membres de leurs familles. Ils occuperaient seulement 1 kilomètre carré du territoire de la province.
Le 14 Février, Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdogan et Hassan Rohani se sont rencontrés pour la quatrième fois à Sotchi, en Russie, afin de dresser un état de lieux de la situation et de leur coopération sur le terrain. Le 19 décembre 2018, l’annonce du retrait américain de quelques 2000 militaires stationnés en Syrie et soutenant les FDS, en cas de victoire décisive, avait permis un renforcement de la coopération entre Moscou, Ankara et Téhéran. Donald Trump avait affirmé auparavant que le Califat vivait ses derniers jours et que l’annonce d’une victoire de la coalition était toute proche.
Aussi les trois chefs d’États ont-ils discuté de l’avenir de la Syrie dans une configuration géopolitique actant du retrait américain de la région. Dans cette perspective, les trois puissances ont évoqué Idlib, province dont les commentateurs pensaient que le sort avait déjà été scellé par un accord signé entre Moscou, Ankara et le régime de Damas, lequel aboutissait à la création d’une zone de désescalade à l’automne dernier. Cette zone de cessez-le-feu était censée permettre la neutralisation définitive des derniers bastions radicaux dans la région, en suspendant un énième assaut de Damas.
Or Idlib n’a pas été vidée des combattants du groupe Hayat Tahrir Al Cham (HTS), ancien Front al-Nosra. Cet événement fait la démonstration la réussite de la stratégie du groupe, qui tente depuis plusieurs années de faire reculer les rebelles. Plus encore, cela témoigne des disparités existantes au sein du Front de Libération National (FLN), une coalition de forces syriennes soutenue par la Turquie, dont la disparité aurait menée à l’échec de la reprise d’Idlib.
Selon le Ministère des Affaires étrangères russes, le groupe HTS dominerait à nouveau 90% du territoire de la province. Vladimir Poutine s’est montré ferme envers Ankara, l’exhortant de participer réellement à l’anéantissement di djihadisme dans la région. Car en dépit d’une volonté commune de mettre fin à cette guerre et de neutraliser les derniers éléments radicaux, des dissensions internes demeurent entre les acteurs au conflit. En effet, l’alliance entre la Russie, la Turquie et l’Iran souffre de certaines divergences quant à la gestion de certaines régions stratégiques syriennes.
Pour Ankara, l’une des priorités est la question kurde. En effet, la Turquie souhaite éloigner les milices kurdes des Unités de Protection du Peuple (YPG), positionnées à Idlib, de sa frontière nord, craignant une déstabilisation intérieure. Elle a également déclaré que les combattants kurdes devaient quitter le Nord Est de la Syrie, arguant que « l’intégrité territoriale de la Syrie ne pourra pas être assurée et la région rendue à ses vrais propriétaires » si les kurdes demeuraient en Syrie. Pourtant ces milices restent de fidèles alliés dans la lutte contre les groupes djihadistes ; leurs succès tactiques ne sont plus à prouver.
Vladimir Poutine et Hassan Rohani souhaitent quant à eux le maintien des forces syriennes sécurisant la zone d’Idlib. Même si le cessez le feu est respecté, Sergei Lavrov a fait part de son exaspération, évoquant « l’existence interminable de ce nid terroriste. » De fait, même dans l’hypothèse où la trêve serait respectée, la Russie estime qu’aucun des acteurs ne saurait se montrer laxiste concernant la présence de groupes terroristes en Syrie, toujours actifs. Il semblerait que les derniers bastions radicaux se soient développés en cellules, lesquelles se seraient regroupées du centre du pays jusqu’à Deir Ezzor. Bien qu’affaiblie, leur résistance demeure importante.
Pour l’heure, les déclarations de Donald Trump sur la mort quasi imminente du Califat ne semble donc pas trouver résonance sur le terrain.