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Syrie : flou persistant autour du retrait des forces américaines
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Par Xavier Marié

 

 

Un communiqué du Combined Joint Task Force pour l’opération Inherent Resolve (CJTF-OIR) a annoncé vendredi 11 le début du retrait des forces américaines du théâtre syrien dans le cadre d’un plan élaboré par le Pentagone pour répondre à l’ordre présidentiel de retrait et dont les détails sont classifiés. Selon des informations du Pentagone rapportées par la presse, ce retrait n’a jusqu’ici porté que sur du matériel et non sur les personnels eux-mêmes. Ainsi, sur le terrain, l’Observatoire syrien des droits de l’homme a déclaré qu’un convoi d’une dizaine de véhicules blindés et de camions américains avaient quitté la ville de Rmelan dans le nord-est du pays et franchi la frontière avec l’Irak.

 

Les Etats-Unis ont mis en place un important dispositif de sécurité afin de sécuriser ces mouvements. A ce titre, le porte-hélicoptères USS Kearsarge avec 2000 Marines du 22e Marine Expeditionary Unit (MEU) à bord, accompagné des navires amphibies USS Arlington et USS Fort McHenry a été déployé en Méditerranée tandis que les avions du groupe aérien embarqué du porte-avions USS Stennis déployé dans le golfe Persique conduisent des vols au-dessus du Levant.

 

Alors que prennent place ces premières opérations de retrait, les frappes aériennes et d’artillerie conduites par les Etats-Unis contre Daech en Syrie se poursuivent. Le CJTF-OIR estime ainsi à 469 le nombre de frappes conduites entre le 16 et le 29 décembre contre des cibles de Daech et en soutien aux Forces démocratiques syriennes (FDS), précisant qu’aucune date de fin n’avait été arrêtée pour ces opérations et que les forces américaines « continueraient à cibler Daech » et « resteraient engagées en vue d’une défaite durable de Daech afin d’améliorer les conditions pour la paix et la stabilité dans la région ».

 

Par ailleurs, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les Etats-Unis poursuivent leurs patrouilles au niveau de la ville de Manbij à proximité de la frontière turque, en soutien aux FDS menacées d’une nouvelle offensive par Ankara. A ce titre, le Chef d’Etat-Major Joseph Dunford a rencontré mardi à Ankara son homologue, le général Yasar Guler ainsi que le ministre de la Défense turc Hulusi Akar. Selon le compte-rendu du Joint Staff, cette rencontre avait pour objet « la situation sécuritaire en Syrie, la mise en œuvre de la feuille de route sur [la coopération sécuritaire] à Manbij et l’effort volontaire et coordonné de retirer les forces terrestres américaines de Syrie ».

 

Toujours à Ankara, le Premier ministre turc Recep T. Erdogan a refusé de rencontrer le Conseiller à la sécurité nationale John Bolton.

 

En effet, ce dernier avait dimanche 6 janvier énoncé les conditions d’un retrait américain de Syrie, parmi lesquelles la défaite irréversible de Daech et des garanties de sécurité pour les forces kurdes, alliées incontournables de Washington dans le combat contre Daech et menacées d’une opération militaire par la Turquie. En ce qui concerne ce dernier point, John Bolton a explicitement lancé un avertissement à la Turquie contre toute tentative d’offensive contre les FDS, déclarant : « Nous ne pensons pas que les Turcs devraient entreprendre une action militaire qui ne soit pas pleinement coordonnée avec les Etats-Unis et avalisée par eux ». Il a également annoncé que Washington avait demandé aux FDS de « tenir ferme » et de s’abstenir de rechercher la protection de Moscou ou de Damas.

 

Par ailleurs, James Jeffrey, représentant spécial pour l’engagement en Syrie et nouvel envoyé spécial pour la coalition anti-Daech, devrait se rendre la semaine qui vient sur le territoire syrien afin de rassurer les forces kurdes quant au soutien des Etats-Unis.

 

Plus généralement, les propos de John Bolton constituent la première confirmation de la Maison-Blanche d’un ralentissement du retrait américain de Syrie. Le Conseiller à la Sécurité nationale a également déclaré que des forces américaines demeureraient déployées dans la zone d’al-Tanf, au sud de la Syrie, afin de contrer l’influence croissante de Téhéran dans le pays et la région. Il s’est enfin rendu en Israël pour évoquer le rythme du désengagement américain, le niveau de l’empreinte militaire américaine dans la région et l’engagement américain à contrer l’expansionnisme iranien. A ce titre, John Bolton aurait réaffirmé le soutien des Etats-Unis aux frappes conduites par Israël contre des cibles iraniennes ou soutenues par l’Iran sur le territoire syrien.

 

Il ressort de ces dernières évolutions une confusion indéniable sur la ligne stratégique tenue par Washington au regard de son implication militaire en Syrie et de son éventuel désengagement du pays, ou du moins de ses modalités et de son calendrier. De fait, les propos de John Bolton, comme ceux tenus par Mike Pompeo, nuancent la déclaration du président Trump sur un retrait rapide des forces américaines de Syrie. Peu après les propos de John Bolton, le Président américain avait lui-même nuancé sa propre affirmation initiale en estimant que ce désengagement se ferait à un rythme progressif, articulé à la poursuite de la lutte contre Daech. Il semble ainsi se dessiner une ligne de fracture entre Donald Trump et ses principaux conseillers en matière de politique étrangère, plus particulièrement John Bolton et Mike Pompeo qui ont une vision plus interventionniste du rôle des Etats-Unis au Moyen-Orient, notamment en ce qui concerne les velléités expansionnistes de l’Iran dans la région. A l’inverse, Donald Trump s’est depuis sa campagne présidentielle, prononcé en faveur d’une réduction de l’engagement militaire américain au Moyen-Orient.

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