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Les relations indo-africaines au beau fixe ?
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Par Camille De la Rochère

 

Lors d’une visite en Ouganda, le Premier ministre indien Narendra Modi a annoncé envisager l’ouverture prochaine de 18 nouvelles ambassades en Afrique d’ici 2021. L’Inde compte actuellement 29 missions diplomatiques sur le continent Africain. M. Modi a également salué la politique de main tendue menée par le président Yoweri Museveni envers les Ougandais d’origine indienne alors que nombre d’entre eux avaient été expulsés du territoire dans les années 70, sous le règne d’Idi Amin. Le Premier ministre a ajouté que plus de 6000 Indiens servaient dans les missions de maintien de  paix de l’ONU en Afrique. Plus de 160 d’entre eux sont morts dans l’exercice de leurs fonctions, soit le nombre le plus élevé parmi tous les pays intervenant dans ce cadre.

 

Lors de son discours au parlement, N. Modi a ensuite évoqué le volet des investissements financiers. L’Inde compte ainsi accorder à l’Ouganda des prêts à hauteur de 171 millions d’euros destinés à financer la construction de nouvelles infrastructures. Une telle annonce s’inscrit dans la continuité de la volonté indienne de renforcer sa présence en Afrique. La diaspora indienne en Afrique représente près de 3 millions de personnes réparties dans 46 pays différents. L’Inde est à ce jour le quatrième partenaire commercial de l’Afrique : les échanges commerciaux bilatéraux, multipliés par cinq ces dix dernières années, ont représenté 70 milliards de dollars en 2014-2015.

 

La visite du Premier ministre indien s’inscrit également dans sa lutte d’influence avec la Chine. Selon le géopolitologue François Lafargue : « La rivalité sino-indienne est sans doute la plus marquée en Afrique australe qui offre les perspectives économiques les plus prometteuses. L’Afrique du Sud, l’Angola, le Mozambique, la Zambie et le Zimbabwe figurent parmi les partenaires privilégiés de la Chine et de l’Inde en Afrique ». En effet, les rivalités économiques, commerciales, culturelles et politiques ne cessent de s’exacerber entre les deux BRICS. La valeur des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique demeure encore quatre fois supérieure à celle des échanges indo-africains. Néanmoins, si la Chine conserve encore plusieurs longueurs d’avance, sa présence en Afrique n’est plus hégémonique.

 

La stratégie des deux rivaux n’est cependant pas la même : si la présence de l’Empire du milieu s’est premièrement manifestée à travers des entreprises d’Etat, les entrepreneurs privés et les multinationales indiens tel que Airtel, qui domine le marché du téléphone portable dans une vingtaine de pays, ont précédé les pouvoirs publics sur le continent. La cinquième puissance économique mondiale investit notamment dans le secteur énergétique, secteur où elle souhaite devenir le partenaire privilégié de l’Afrique. D’après Alioune Ndiaye, cofondateur du Centre d’Étude du Partenariat Inde-Afrique : « L’engagement économique de l’Inde en Afrique est largement lié au secteur de l’énergie, le géant indien cherchant à s’assurer l’accès à des ressources pétrolières en provenance du continent ». Ainsi, il y a trois jours, l’Ouganda a bénéficié d’un financement de 200 millions de dollars de la part de l’Inde destinés à promouvoir l’énergie et l’agriculture.

 

La lutte d’influence fait aussi rage dans le domaine militaire. Ainsi, en 2017, la Chine installait sa première base militaire sur le continent à Djibouti, base qui d’ici 2026 devrait accueillir près de 10 000 soldats chinois. L’Inde avait quant à elle implanté une station d’écoute en 2007 au nord de l’île de Madagascar. Récemment, les Seychelles ont accepté de lui allouer un terrain afin que la puissance y établisse ce qui deviendra sa première base navale dans l’Océan Indien.

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