Par Jérémie Ezerzer
Lundi 1er juin, le ministère des Armées a remis au Parlement son rapport annuel sur les exportations d’armes. Ce document apporte des données chiffrées sur la valeur et la nature des armements vendus à chaque pays étranger au cours de l’année 2020. La parution de ce rapport intervient dans un contexte particulier. En novembre 2020, les députés Michèle Tabarot et Jacques Maire ont publié un rapport d’information dans lequel ils ont indiqué regretter le manque de transparence de l’exécutif vis-à-vis des exportations d’armements. Ils y formulaient le souhait de voir mettre en place un organe parlementaire chargé du contrôle des exportations d’armements[1]. Une étude réalisée par l’institut de sondage Harris Interactive pour Amnesty International va également dans ce sens. Elle révèle que trois Français sur quatre souhaitent plus de transparence de la part des autorités françaises sur l’exportation d’armements. Face à ces critiques, le ministère des Armées avait annoncé un certain nombre d’améliorations sur le sujet de la transparence. Bien qu’il soit indéniable que ce rapport offre plus d’informations que les précédents, il demeure imprécis à de nombreux égards et fige le Parlement dans une position de spectateur.
L’information la plus médiatisée de ce rapport est la chute des exportations d’armements. Sur l’année 2020, la valeur de ces exportations s’élève à 4.9 milliards d’euros. Il s’agit d’un net recul par rapport à 2018 et 2019, années au cours desquelles les valeurs des exportations étaient respectivement de 9 et 8.3 milliards d’euros. Cette baisse de 41 % par rapport à 2019 s’explique par les ajustements budgétaires des pays impactés par la pandémie ainsi que par la détérioration des relations commerciales induites par le contexte sanitaire.[2]
L’exportation d’armements demeure l’un des sujets les plus sensibles de la Défense nationale. L’étude d’Amnesty International révèle que 72 % des Français considèrent que le commerce d’armements est contradictoire avec les valeurs françaises et qu’il devrait faire l’objet d’un débat public[3]. Face à cette défiance, le rapport de 2021 met en exergue l’importance de la vente d’armement à des nations étrangères dans l’autonomie française en matière de technologie de défense. Il explique l’importance des commandes étrangères qui permettent de maintenir des chaînes de production complexes et de faire diminuer les coûts unitaires de l’armement français[4]. Cet éclaircissement permet de saisir l’importance de la vente d’armement dans la stratégie de défense française mais n’explique pas la grande opacité entourant ce marché.
Long de 130 pages, le rapport de 2021 est divisé en 3 parties : la cohérence entre la politique d’exportation et les priorités stratégiques, le processus de contrôle interministériel des exportations d’armes et enfin, les évolutions de la politique d’exportation. Alors que la structure du rapport reste identique aux années précédentes, le contenu des parties ne change que peu.Les informations les plus importantes de ce rapport ne figurent donc pas dans le corps du document, mais en annexe. On y trouve entre autres les données chiffrées de la valeur totale des armements vendus à chaque pays année par année depuis 2011. Il faut donc noter que parmi les 130 pages du rapport, les informations relatives aux exportations sur l’année 2020 peuvent tenir sur quelques pages. La vocation du corps du rapport et des chiffres des années précédentes est donc de contextualiser les données transmises. On peut cependant se demander si cette masse d’informations annexes n’est pas instrumentalisée pour se défendre d’un manque de transparence. En effet, le porte-parole du ministère des Armées, Hervé Grandjean, explique que le rapport “ est à ce point précis que bien souvent, ceux qui le critiquent ne l’ont pas lu entièrement car il s’agit d’un pavé de 130 pages” [5]. Malgré le nombre important d’informations, Amnesty International se plaint du manque de précision du rapport. Effectivement, peu de détails sont apportés sur le type d’armement, et sur l’utilisation finale qui en est faite. Face à cette critique, Hervé Grandjean rétorque que pour des raisons stratégiques, de nombreux clients refusent que leurs transactions soient rendues publiques.
Néanmoins, force est de constater que la promesse du ministère des Armées a été tenue. Certaines propositions suggérées par le rapport d’information parlementaire ont été mises en place. C’est notamment le cas du refus d’exportation qui fait désormais partie intégrante du rapport. De plus, on trouve désormais détaillé dans le rapport le contrôle des biens à double usage. Par ailleurs, la ministre des Armées, Florence Parly, a affirmé que ces biens feraient l’objet de leur propre rapport dès 2022[6].
Ces améliorations sont bienvenues et témoignent de la capacité du ministère des Armées à faire évoluer ses pratiques. Si le Parlement est mieux renseigné sur les exportations d’armements, il ne dispose toujours pas de pouvoir de contrôle. Le député Sébastien Nadot se veut cependant optimiste. Il estime que la question de la transparence a connu un “véritable éveil auprès des parlementaires”[7]. Il considère que cet enjeu fera nécessairement partie de la prochaine campagne présidentielle.