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La montée en puissance du GSIM  
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Par Amélie Faltot 

Les dynamiques des groupes terroristes au sein de l’espace sahélien semblent confirmer la prépondérance et l’autonomisation du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Le groupe s’est initialement constitué en tant que filiale d’AQMI. Dans un contexte de perte d’influence d’Al-Qaïda au Maghreb islamique et de l’accession difficile d’Abou Oubaïda Youssef à la tête de l’organisation, le GSIM semble ainsi s’affirmer comme un nouveau centre de gravité du terrorisme au Sahel. Le GSIM est un rassemblement de diverses factions jihadistes. Créé en mars 2017, il est né de la fusion d’Ansar Dine, de forces d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) dans le Sahel, de la katiba Macina et de la katiba Al-Mourabitoune. Iyad Ag Ghali, ancien chef de guerre touareg dans le nord du Mali, aujourd’hui à sa tête, est une figure de plus en plus incontournable et visible au sein du conflit sahélien. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans cherchait ainsi initialement à se présenter comme un groupe apte à contrer l’influence de l’État islamique et se concevait comme affilié et subordonné à Al-Qaïda. Or, il apparaît aujourd’hui qu’il tend à éclipser AQMI dans la région et à s’affirmer comme l’organisme terroriste le plus actif au sein de l’espace sahélien, devenant de ce fait un acteur incontournable des conflits.

Or, au sommet de Pau, en janvier 2020, qui avait réuni le G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso), il s’agissait de définir l’État islamique au grand Sahara (EIGS) comme étant l’ennemi prioritaire dans la région. Dès lors, il apparaît bien qu’une transformation des dynamiques dans la région s’est produite au cours de l’année 2020, en particulier dans un contexte où deux récentes attaques mortelles visant les forces françaises et onusiennes ont été revendiqués, non pas par l’EIGS, mais par le GSIM. En effet, déjà en octobre 2020, l’échange de 200 prisonniers incarcérés pour des faits de terrorisme en échange de la libération de l’opposant malien Soumaïla Cissé et de la Française Sophie Pétronin, retenus en otage par le GSIM, rendait compte de la place centrale du leader du GSIM au sein de la nébuleuse terroriste de la région. Le chef du GSIM, Iyad Ag Ghaly, s’était alors mis en scène à cette occasion en tant qu’interlocuteur privilégié. Cet événement a été aussi l’occasion de renforcer son pouvoir, lui permettant de se présenter comme l’autorité en charge des négociations dans la région. En outre, le GSIM a revendiqué récemment les deux attaques ayant coûté la vie à cinq soldats de la force française Barkhane, en moins d’une semaine. Ces événements tragiques ont confirmé la réévaluation du groupe dès novembre 2020. Le général Marc Conruyt, commandant de la force Barkhane, avait alors déclaré devant l’Assemblée nationale : « C’est à ce jour l’ennemi le plus dangereux pour la force Barkhane, pour les forces internationales et pour le Mali ». (1)

Le GSIM est ainsi aujourd’hui devenu une des filiales les plus actives d’AQMI. Cette montée en puissance semble liée à l’affaiblissement d’Al-Qaïda, marqué par la disparition d’Abdelmalek Droukdel, figure emblématique du jihad algérien depuis 20 ans. La difficile succession qui a suivi semble avoir confirmé l’ascendant du GSIM sur Al-Qaïda dans la région. Désormais, le GISM apparaît comme une organisation structurée autour d’un leader qui s’affirme de plus en plus face à ses interlocuteurs, qu’il s’agisse des forces étrangères en présence comme des dirigeants nationaux. Ainsi, le Mali s’est dit prêt à ouvrir le dialogue avec le GSIM et en particulier avec Iyad Ag Ghaly dans le contexte des conflits qui secouent la région.

Le groupe, en outre, semble très résilient. Il a surmonté avec facilité la perte de deux dirigeants (2) ; qu’il s’agisse de l’élimination d’Abou Yehyia al-Djaizari en avril 2020 au cours de l’attaque de Bamba, ou bien de celle de Ba Ag Moussa, tué lors d’une opération dans la région de Ménaka le 10 novembre 2020. Tous deux remplacés rapidement, ces éliminations semblent avoir donné la preuve de la force du GSIM et sa capacité à anticiper le remplacement de ses cadres. Il se présente alors comme un organisme structuré, apte à surmonter les revers militaires et surtout, bien plus résilient qu’AQMI.

Il s’agit donc de constater une transformation des dynamiques à l’œuvre au sein des organisations terroristes, Al-Qaida semble aujourd’hui dépassé par un de ses organismes affiliés, celui-ci prenant une place de plus en plus importante au sein du conflit. Cette redistribution du pouvoir se traduit par le rôle accru du GSIM dans le conflit, il semble être reconnu comme en constituant un acteur majeur. La place croissante du GSIM se traduit aussi par la solidité de son organisation et sa résilience face aux échecs militaires et stratégiques. De plus, il s’agit de constater que les chefs du GSIM sont désormais en grande majorité sahéliens, et non plus arabes, ce qui donne à voir une affirmation croissante de la notion de territorialité au sein des organismes terroristes. Cette montée en puissance des acteurs locaux et des organismes locaux au sein d’ensembles plus vastes, tels qu’AQMI, rendent compte de bouleversements structurels à l’œuvre au sein des organismes terroristes.

Dès lors, avant même la mort récente de cinq militaires français, portant le bilan à 50 « morts pour la France » depuis 2013, le GSIM avait déjà commencé à affirmer sa primauté sur AQMI. Les événements récents, tels que la difficulté à établir un leadership clair au sein d’AQMI, mais aussi le choix de faire d’Iyad Ag Ghaly un interlocuteur privilégié, donnent à voir la recomposition des dynamiques à l’œuvre au Sahel. Le GSIM, dans la période à venir, semble appelé à déterminer de manière croissante les stratégies d’Al-Qaida dans la région.

Ainsi, cette recomposition des forces au sein d’Al-Qaida peut faire apparaitre une dynamique nouvelle au sein des organismes terroristes. En effet, il est possible d’envisager le renouvellement des pratiques terroristes et de leur structuration politique à l’aune de l’affirmation du GSIM aux dépens d’AQMI. Les grandes organisations terroristes seraient alors appelées à voir des organismes locaux et fortement enracinés dans les territoires redéfinir leur politique et leur stratégie, tout en devenant des éléments clés des conflits en cours.


Notes

(1) Assemblée Nationale. Consulté le 19 janvier 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2021022_compte-rendu.

(2)  « Revoir la lutte antiterroriste au Sahel après la mort d’Ali Maychou | DW | 06.11.2019 ». DW.COM. Consulté le 19 janvier 2021. https://www.dw.com/fr/revoir-la-lutte-antiterroriste-au-sahel-apr%C3%A8s-la-mort-dali-maychou/a-51130779.

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