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Les Etats-Unis, l’OTAN : bilan de quatre ans de politique étrangère américaine – deuxième partie
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Les Etats-Unis, l’OTAN : bilan de quatre ans de politique étrangère américaine – deuxième partie

Par Salomé Sifaoui et Joana Sureau

 

Donald Trump et l’OTAN : La fin de l’atlantisme américain

 

Signant la fin d’une coopération multilatérale, la présidence Trump est marquée par une politique extérieure qui donne la priorité aux intérêts nationaux et directs : les alliés sont ceux qui profitent directement à la vitalité économique américaine et à la protection de ses intérêts comme de ses citoyens. Dans le même temps, l’organisation du traité nord-atlantique (OTAN) est au cœur d’une crise existentielle et entend redéfinir ses perspectives, alors même que les relations avec les États-Unis n’ont jamais semblé aussi incertaines.

Entre poids financier et socle d’une influence extérieure, quelle rhétorique est adoptée par Washington à l’égard de l’alliance transatlantique, et quels en sont les effets ?

 

Donald Trump et l’OTAN: une politique réticente

 

En 2018, la revue Foreign Affairs publiait les résultats d’une enquête auprès d’experts des relations transatlantiques. La majorité d’entre eux affirmaient que l’Alliance avait été endommagée par la “rhétorique négligente et destructrice du président américain, et ses actions unilatérales controversées”[1]. En mettant l’accent sur la poursuite des intérêts nationaux comme un but ultime et en rejetant les fondements de l’ordre international libéral, l’approche de la politique étrangère de Donald Trump a en effet contribué à une altération des relations au sein de l’OTAN.

 

A cet égard, la présidence Trump a été ponctuée de nombreux sujets de friction dans la relation transatlantique, qui traduisent une certaine réticence américaine à l’OTAN. La réaction de Donald Trump aux résultats du référendum du Brexit, en 2016, qu’il saluait comme étant une “grande victoire”[2] portée par les Britanniques ayant exercé leur “droit sacré”, en est un premier exemple. En souhaitant renforcer la “relation spéciale” qui unissait les États-Unis à la Grande-Bretagne à travers des accords bilatéraux, il se faisait le témoin d’une attitude eurosceptique propre à l’administration américaine actuelle qui entrait progressivement en contradiction avec la tradition de ses prédécesseurs. Le soutien de Donald Trump avait d’ailleurs été interprété comme un “grand plan” ayant pour objectif le démantèlement de l’UE en tant qu’organisation perçue par les conservateurs républicains comme un projet idéologique concurrent et rival à celui des États-Unis. Bien que ces prévisions n’eurent aucun résultat concret, elles marquaient tout de même l’orientation de la politique du président sortant quant à ses alliés transatlantiques.

 

En qualifiant l’OTAN d’obsolète avant même son élection, Donald Trump optait déjà pour une rhétorique critique à l’égard de l’organisation. Une critique retrouvée au travers de nombreuses questions, la première étant financière. Depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, la règle des 2% impose à chaque Etat membre de contribuer à hauteur de 2% de son PIB au budget de défense transatlantique. Parmi les 29 alliés, 8 Etats offrent un financement d’une valeur plus importante, les États-Unis étant les plus grands contributeurs, avec 3,4% du PIB[3], et supportant ainsi 70% des efforts militaires de l’Alliance. Une injuste et inégale répartition qui pousse le président américain à qualifier l’Alliance de “bad deal”, et à menacer certains pays européens, comme l’Allemagne. En juillet 2020, le secrétaire à la Défense, Mark Esper, annonçait le retrait de 12 000 soldats américains d’Allemagne, une décision stratégique vouée à punir le pays pour sa faible contribution financière à l’OTAN[4]. Cette approche transactionnelle de Donald Trump dans la gestion de l’OTAN est vécue comme une menace existentielle par les membres de l’alliance transatlantique, notamment parce que les croyances du président reposent sur l’idée qu’un processus de négociation doit garantir prioritairement les intérêts économiques et sécuritaires américains.

 

Si Barack Obama avait mis l’accent sur l’importance d’un système multilatéral et d’un processus de négociation transatlantique en matière de commerce et d’investissement, Donald Trump entre en opposition avec son prédécesseur par son approche unilatérale et mercantiliste, dont son programme de politique commerciale en 2019 est l’illustration. Considérant le système commercial mondial comme “déficient”, les accords commerciaux comme “déséquilibrés et dépassés” et le droit commercial international comme “défaillant”, le président américain y préconise la révision des accords commerciaux et l’application de lois commerciales américaines plus strictes afin de rééquilibrer les relations commerciales des États-Unis. La solution à des pratiques jugées “déloyales” réside dans l’application de droits de douane permettant de revitaliser l’économie en protégeant les industries du pays. Initialement imposées à la Chine, ces sanctions touchent la plupart des partenaires commerciaux, notamment les membres de l’Alliance appartenant aussi à l’Union européenne. En juin 2018, des droits de douane à hauteur de 25% sont imposés sur les importations d’acier, et de 10% sur l’aluminium en provenance de l’UE. En réaction, l’Union européenne impose ses propres droits de douane sur les produits américains. Il s’agit de l’amorce d’une guerre commerciale entre certains membres de l’Alliance, alors même que le commerce entre l’Union européenne et les États-Unis reste le plus important flux commercial bilatéral mondial, avec un total d’échanges (biens et services) s’élevant à 1300 milliards de dollars en 2018. Une guerre commerciale symbolisée par diverses affaires, comme la rivalité Boeing-Airbus, ou encore la taxation des GAFA[5] en Europe. Malgré une échelle avant tout européenne, ces soubresauts ont des conséquences sur les relations bilatérales entre les membres de l’Alliance, notamment en éveillant un sentiment de méfiance européen à l’égard de l’allié américain.

 

L’Amérique et l’OTAN face à la Russie

Au sein de l’Alliance et pour la sécurité européenne, le rôle américain en tant que leader est de rétablir l’équilibre creusé par la fin des accords de limitation des forces nucléaires intermédiaires[6] (FNI) depuis 2019 ainsi que par l’avancée technologique russe, notamment dans le domaine hypersonique. Selon le think-tank britannique Chatham House[7], l’absence de traité limitant les forces nucléaires expose l’Europe à devenir un potentiel terrain d’affrontement entre les deux rivaux en cas de conflit ouvert.  Militairement,  une nouvelle course à l’hypersonique menée par la triade Etats-Unis – Russie – Chine s’insère résolument dans les nouveaux défis de l’OTAN. Si les Etats-Unis furent les premiers à s’engager dans la course en 2004 avec le programme FALCON – atteignant une capacité de Mach 9,65 -, qui a ensuite été abandonné. Repris par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) et l’US Air Force sous l’égide du programme Conventional Prompt Global Strike, les avancées américaines étaient, en 2017, les plus ambitieuses. Néanmoins, pour la première fois en 2019, Moscou tend à surpasser Washington par une production en série et une mise en service des missiles UR-100N UTTKH montés sur des planeurs hypersoniques du complexe Avangard. Quant à Pékin, il présenta en 2020, le DF-17 embarqué sur le planeur hypersonique DZ-DF[8]. Les Etats-Unis, ayant diminué les effectifs humains et le budget alloués aux forces armées depuis une décennie, sont confrontés à un défi quantitatif de fabrication. L’absence de base industrielle militaire nationale les pénalisent, contrairement à la Russie qui bénéficie d’un outil de production en série. En réponse à Moscou, Washington s’est orienté vers une production en 2018 de missiles air-sol d’essai ARRW et HCSW destinés à l’US Air Force, dévoilés lors d’un test le 16 octobre 2020[9].

 

D’après le rapport  “Hypersonic weapons a technological challenge for allied nations and Nato?” publié en juin 2020, l’Alliance expose sa préoccupation pour le retrait du FNI, dû au développement de la part des deux parties signataires de missiles de croisière dont la portée est supérieure à 500 kilomètres[10], permettant ainsi aux deux pays de développer de nouveau un arsenal stratégique. Si l’hypersonique ne s’insérait pas dans le traité FNI, il menace également la capacité de défense aérienne et antimissile intégrée de l’OTAN à cause l’hyper-vélocité des nouvelles technologies de missile[11]. L’US Missile Defense Agency sont à cette heure en train de réévaluer les systèmes de défense anti-missiles afin de prévenir et neutraliser rapidement la trajectoire d’un missile hypersonique. L’OTAN explore, dans une visée offensive, le développement de missiles hypersoniques propre à l’Alliance, mais reste néanmoins prudent à l’égard de l’emploi dissuasif que pose cette nouvelle arme. Ces nouvelles capacités questionnent le cadre légal international qui, en 2019, se limite au New START, seul traité en vigueur depuis la fin du FNI. Ce traité encadre pour l’instant les dernières avancées russes. Nous assistons toutefois à une prolifération dans la mesure où d’ici fin 2019, seront déployés de nouveaux missiles stratégiques Avangard au-dessus d’Orenbourg (D.F Volga). A cet égard, Moscou propose de prolonger jusqu’en 2026 le New START, ce à quoi s’oppose le gouvernement Trump.

 

De surcroît, la politique russe de l’administration américaine a été inconsistante face aux offensives diplomatiques russes, notamment l’ingérence politique en 2016 et la confiance de Donald Trump envers Vladimir Poutine lorsque celui-là affirme, contre son administration[12], que la Russie n’a commis aucune interférence dans les élections[13]. De même, le soutien russe envers les ennemis américains, notamment son soutien logistique à Bachar Al-Assad et ses interventions militaires dans le conflit syrien, comme pour son soutien à Nicolas Maduro par exemple, n’abîme en rien le rapport amical entre les deux présidents. Quant au retrait de l’Open Skies Treaty, traité emblématique d’une coopération post-Guerre froide entre les pays du nord[14], Washington condamne  les « violations répétées » de la Russie dans l’application du traité[15]. Donald Trump reproche également la « politique agressive » de Moscou vis-à-vis des pays européens et des États-Unis, considèrant que cette sortie du traité servirait à « protéger les Européens »[16] de  l’espionnage russe.

 

Une rivalité américano-russe qui se retrouve également dans l’un des défis clés de l’OTAN est celui de la stabilité énergétique. Si la Russie peut être considérée comme une menace grandissante par les membres alliés, elle constitue néanmoins une source d’approvisionnement indéniable en gaz naturel liquéfié dans un contexte de transition énergétique européenne. En juillet 2018, Donald Trump dénonce lors d’un rassemblement la mise sous tutelle énergétique de l’Europe par la Russie. Alors que les Européens sollicitent l’aide des États-Unis au travers de l’OTAN pour se protéger de l’hégémonie russe, ils paient également “des milliards de dollars à la Russie pour le gaz, et les Américains sont les abrutis qui paient pour le tout”[17]. L’actuelle opposition des États-Unis au projet de gazoduc Nord Stream II est un exemple. En janvier 2020, le Sénat américain approuve les sanctions contre la construction du gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, qui permettent à l’administration Trump d’identifier les sociétés et personnes fournissant des services dans le projet afin d’annuler les visas américains. Une politique répressive à laquelle l’Allemagne, en passe de devenir une plaque tournante énergétique pour l’Europe, s’oppose fermement, renforçant la conflictualité de ses relations bilatérales avec Washington.

  

Le durcissement de la politique américaine envers l’OTAN, un effet notable pour les perspectives de l’Alliance ?

La rhétorique critique adoptée par le président américain lors de son mandat a toutefois eu le mérite d’amorcer une prise de conscience de la nécessité de réfléchir au projet même de l’Alliance et de donner de nouvelles dynamiques à l’organisation. Énoncé lors du sommet de l’OTAN à Lisbonne, en 2010, le Concept stratégique de l’Organisation, considéré aujourd’hui comme désuet, énumérait les trois tâches essentielles de l’Alliance. Elle devait être capable de remplir la garantie de défense collective énoncée à l’article V du Traité de l’Atlantique Nord (1949). Elle devait utiliser tous les outils à sa disposition pour faire face aux crises avant, pendant et après les conflits dans les zones où elle contribue à la sécurité euro-atlantique, expéditionnaires et hors zone, comprenant les missions en Libye et en Afghanistan. Enfin, elle devait nouer et entretenir des relations avec les pays et organisations internationales du monde entier.

 

Ponctuée de changements géopolitiques majeurs, la décennie 2010-2020 a mis l’Alliance à rude épreuve. Celle-ci a dû faire face au printemps arabes et à ses conséquences, à l’intervention en Libye, à la fin des opérations de combat en Afghanistan, à l’invasion russe de l’Ukraine, à la montée de l’État islamique et à la crise des migrants en Europe. Autant d’événements qui n’ont fait que confirmer l’émergence de nouveaux défis, parmi lesquels les progrès de la guerre hybride et la lutte contre le terrorisme, et qui alimentent aujourd’hui une véritable réflexion quant aux orientations politiques de l’organisation.

 

Une autre critique proférée par Donald Trump à l’OTAN est son obsolescence. Organisation transatlantique à caractère politique et militaire, la raison d’être de l’OTAN n’était autre que la garantie de la liberté et de la sécurité de ses membres au travers de moyens politiques et militaires. Si la lutte contre l’ennemi soviétique en était le point de lancement, qu’elle en est désormais la continuité ? Malgré de nombreuses missions depuis sa création, dont la plupart étaient consacrées à rétablir la paix, en Bosnie (1995), au Kosovo (1999), en Afghanistan (2003) en solidarité avec les États-Unis pour répondre aux attentats du 11 septembre 2001, puis en Libye en 2011, sa crise de vocation n’est aujourd’hui toujours pas surmontée. Une remise en question qui ne porte pas tant sur la pertinence de celle-ci, mais plutôt sur son rôle et ses orientations: si certains pensent que la Russie reste la principale menace, d’autres souhaitent voir l’organisation se muer en force antiterroriste. Si certains aux États-Unis remettent en question le but de l’OTAN, d’autres en Europe se questionnent sur la menace que constitue une perception américaine unilatéraliste de la nécessité d’intervention au nom de la sécurité collective. La piste d’un renouveau qui semble finalement porter sur le dilemme entre une conception d’une alliance militaire comme l’OTAN, dont l’architecture de sécurité collective mériterait d’être renouvelée, et une conception bilatérale, certes risquée, mais dont la plus grande coordination permettrait de résoudre les enjeux concrets des menaces du XXIe siècle. La réunion des dirigeants de l’OTAN en décembre 2018 à Londres a ainsi marqué le début d’une “période de réflexion” afin de donner de nouvelles perspectives à l’organisation. Le groupe d’experts, nommés par le secrétaire général Jens Stoltenberg en mars 2020, en établira des résultats en fin d’année.

 

Au delà d’une prise de conscience quant aux raisons d’être de l’Alliance, le discours du président américain semble également avoir eu des répercussions sur les perspectives de défense de l’Union européenne, et plus largement, de l’OTAN. Si les pays membres avaient amorcé une augmentation des dépenses de défense dès l’annexion de la Crimée par la Russie (2014) et le conflit civil dans l’est de l’Ukraine, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir a permis des accélérations, ce que confirmait Jens Stoltenberg, notant que “l’Europe a accepté de faire davantage pour intensifier ses investissements, en raison des demandes du président Trump, et nous voyons désormais les résultats”[18], avec une augmentation prévue de 100 milliards de dollars. Le sommet de Bruxelles en juillet 2018 a été l’occasion pour les États membres de l’OTAN d’approuver un ensemble de mesures spécifiques pour améliorer les capacités de réponse aux crises, notamment en Europe de l’est. Le résultat portait sur l’embauche de 1200 nouveaux membres du personnel de l’OTAN, l’établissement de nouveaux commandements logistiques conjoints à Ulm, en Allemagne et à Norfolk, en Virginie, la construction d’un centre d’opérations dédié au cyberespace en Belgique. Des efforts sont également prévus  dans la mise en oeuvre du programme Four Thirties avec une force opérationnelle de 30 bataillons mécanisés, de 30 escadrons aériens et 30 navires de combat prêt à l’utilisation dans un délai de 30 jours.

 

Malgré bien des considérations négatives quant à l’organisation, le mandat de Donald Trump a été marqué par d’importantes augmentations des dépenses militaires américaines au sein de l’OTAN. Les États-Unis se sont par exemple appuyés sur le programme de l’Initiative Européenne de Dissuasion (EDI), lancé par Barack Obama dans une perspective dissuasive de l’agression russe contre l’OTAN, permettant d’améliorer les capacités de l’Alliance à envoyer des renforts en Europe de l’est. En 2019, le département de la Défense américain demande un financement de 6,5 milliards de dollars, contre seulement 3,4 milliards[19] en 2016. Le département d’État sous Mike Pompeo a d’ailleurs accordé une attention particulière en Europe de l’est comme espace stratégique permettant de contrer l’influence russe en améliorant la sécurité et la coopération énergétique. La Pologne en est l’illustration, souhaitant établir une base militaire américaine du nom de Fort Trump sur son territoire, alors que les États-Unis effectuent des rotations des forces de combat à travers le pays et exploitent les drones de reconnaissance polonais. L’Atlantique nord en est une autre, dont l’importance stratégique devient évidente pour les membres alliés, et où la marine américaine a officiellement rétabli sa 2e flotte en 2018. Divers exemples qui témoignent ainsi d’une tendance américaine à renforcer les aptitudes transatlantiques à se défendre et à dissuader une grande variété de menaces et ce, malgré la rhétorique contradictoire de Donald Trump.

 

Les États-Unis ont tout intérêt à garder une Europe sûre, stable et prospère. Les alliés les plus anciens et les plus proches des Etats-Unis sont européens. Les États-Unis partagent avec eux un engagement fort en faveur de la démocratie, du libre échange, des droits de l’homme et de l’état de droit. La stabilité européenne profite économiquement aux Européens et aux Américains: leurs économies représentent la moitié de l’économie mondiale, ils sont les principaux partenaires commerciaux et sources d’investissement étranger direct l’un de l’autre. Des avantages économiques qui se manifestent pour les industries de défense américaines et leur base industrielle et technologique de défense du pays, pour qui l’OTAN constitue un atout commercial essentiel. Pour s’intégrer techniquement dans les actions en coalition et pour solidifier leurs relations avec les États-Unis, plusieurs États membres ou partenaires de l’Alliance ont fait le choix d’équipements américains. Ainsi, la Pologne, la Roumanie et la Suède ont choisi de se procurer des systèmes de défense anti-aérienne Patriot. De même, l’achat d’avions de chasse F-35 apparaît comme la garantie d’un soutien américain au sein de l’OTAN.

 

“Notre plus grande force au monde est notre réseau d’alliances”, déclarait James Mattis, réaffirmant ainsi toute l’importance de l’alliance transatlantique pour les États-Unis. En 2018, le New York Times révélait que Donald Trump avait évoqué, en privé, un possible retrait des États-Unis de l’organisation transatlantique. Sévèrement critiqués par l’équipe de sécurité nationale, les propos du président avaient mené James Mattis, ancien secrétaire à la défense, et John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale, à souligner qu’un retrait américain réduirait considérablement l’influence américaine en Europe. En réaction, la loi bipartite Nato Support Act en janvier 2019, approuvée à la majorité par la Chambre des représentants, et portée par le Congrès, interdisait le retrait des États-Unis de l’Alliance. Des agissements de l’administration américaine, qui, en totale opposition avec les propos du président, semblent prouver l’intérêt stratégique que représente l’organisation pour les États-Unis.

 

Conclusion

Ce bilan questionne l’inquiétude européenne survenue à l’heure de la victoire de Donald Trump. Finalement, malgré la gravité des retraits multiples, l’Alliance atlantique a survécu à cet anti-multilatéralisme. Pour autant, si aucun conflit ouvert n’est apparu sous sa présidence, Donald Trump n’a pas réussi à régler le “chaos” au Moyen-Orient et ses esquisses de mesures pour endiguer cela n’ont pour la plupart pas abouti, comme le désengagement complet au Moyen-Orient ou les négociations en Afghanistan. Déjà délaissée par son allié américain, l’Europe est devenue totalement spectatrice de la rivalité sino-américaine. Cela a valu aux Etats-Unis de voir leur popularité outre-atlantique chuter, la confiance de leurs alliés, également, qui désapprouvent en 2019 à 61% le leadership américain au sein de l’OTAN, selon le sondage Gallup[20]. Les multiples soubresauts entre les États membres de l’OTAN s’inscrivent en partie dans la continuité des habituels “malentendus transatlantiques” déjà mis en évidence par Henry Kissinger en 1981, notamment depuis l’annonce du changement de présidence et de la victoire de Joe Biden, plus atlantiste. Néanmoins, il convient de noter la véritable phase de rupture, liée à la fin de la période post-guerre froide, où les menaces mouvantes pourraient mener, au plus, à l’élaboration d’un nouveau pacte transatlantique ou du moins, à la redéfinition du concept stratégique de l’OTAN pour la prochaine décennie.

 

 

 

[1] Blackwill, Robert D. « Trump’s Foreign Policies Are Better Than They Seem », s. d., 112. Council For Foreign Relations

[2] « Que reste-t-il de la relation transatlantique à l’ère de Donald Trump ? » Consulté le 2 novembre 2020.https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0545-que-reste-t-il-de-la-relation-transatlantique-a-l-ere-de-donald-trump.

[3] « Otan : que paient les Etats européens ? – Défense – Toute l’Europe ». Consulté le 2 novembre 2020. https://www.touteleurope.eu/actualite/otan-que-paient-les-etats-europeens.html.

[4] « Les Etats-Unis annoncent le retrait de près de 12 000 soldats d’Allemagne ». Consulté le 2 novembre 2020. https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/29/les-etats-unis-annoncent-le-retrait-de-pres-de-12-000-soldats-d-allemagne_6047639_3210.html.

[5] Acronyme désignant les grandes entreprises des nouvelles technologies, Google Amazon Facebook Apple.

[6] Traité sur les Forces nucléaires à portée intermédiaire, il vise le démantèlement par les États-Unis et l’URSS d’une catégorie de missiles emportant des charges nucléaires ou conventionnelles, signé le 8 décembre 1987 à Washington, D.C. par le président américain Ronald Reagan et le Secrétaire général du Comité central du PCUS Mikhaïl Gorbatchev.

[7] Chatham House – International Affairs Think Tank. « US Foreign Policy Priorities », 15 octobre 2020. https://www.chathamhouse.org/2020/10/us-foreign-policy-priorities.

[8] « Pékin déploie des missiles hypersoniques DF-17 pour accentuer la pression sur Taïwan – Meta-Defense.fr ». Consulté le 5 novembre 2020. https://www.meta-defense.fr/2020/10/19/pekin-deploie-des-missiles-hypersoniques-df-17-pour-accentuer-la-pression-sur-taiwan/.

[9] « Watch: US Air Force Tests One Of World’s Most Powerful Hypersonic Missile From B-52 Bombers ». Consulté le 5 novembre 2020. https://eurasiantimes.com/watch-us-air-force-tests-one-of-worlds-most-powerful-hypersonic-missile-from-b-52-bombers/.

[10] La Russie développait le missile 9M729.

[11] “HYPERSONIC WEAPONS – A TECHNOLOGICAL CHALLENGE FOR ALLIED NATIONS AND NATO?” Draft General Report by Susan DAVIS (United States), General Rapporteur, SCIENCE AND TECHNOLOGY COMMITTEE (STC), 18 juin 2020. NATO Report. https://www.nato-pa.int/download-file?filename=%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F2020-07%2F039%20STC%2020%20E%20-%20HYPERSONIC%20WEAPONS.pdf,

[12] US Department of Defense (2018), U.S. Nuclear Posture Review, February 2018, p. I, https://dod.defense. gov/News/SpecialReports/2018NuclearPostureReview.aspx (Consulté le 1er novembre 2020)

[13] Cela, malgré les conclusions rendues en mars 2019 lors du procès Mueller attestant formellement de l’ingérence, disculpant toutefois Donald Trump.

[14] De Vancouver à Vladivostok, coopération entre Etats instituée par G.H.W Bush en 1991.

[15] Restrictions indues pour les survols au-des- sus de Kaliningrad, dans la bande de 10 km le long de la frontière avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud ; refus d’un survol de l’exercice TSENTR en novembre 2019.

[16] Note du CERPA n°289 , Le retrait américain du Traité Ciel Ouvert, mai 2020

[17] Blackwill, Robert D. « Trump’s Foreign Policies Are Better Than They Seem », s. d., 112. Council for Foreign Relations, avril 2019.

[18] Blackwill, Robert D. « Trump’s Foreign Policies Are Better Than They Seem », s. d., 112. Council for Foreign Relations, avril 2019.

[19] Blackwill, Robert D. « Trump’s Foreign Policies Are Better Than They Seem », s. d., 112. Council for Foreign Relations, avril 2019.

[20] Inc, Gallup. « NATO Summit: Damage Control or Wrecking Ball for U.S. Image ». Gallup.com, 10 juillet 2018. https://news.gallup.com/opinion/gallup/236942/nato-summit-damage-control-wrecking-ball-image.aspx.

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