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Crise politique malienne – rencontre entre la majorité présidentielle et et le M5-RFP
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Crise politique malienne – rencontre entre la majorité présidentielle et et le M5-RFP

 

Le 23 juin, la majorité présidentielle et la coalition d’opposition Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) se sont rencontrées pour la première fois afin de chercher une solution à la crise politique qui secoue Bamako depuis plusieurs semaines.

 

 

Constituée de partis politiques d’opposition et d’organisations religieuse et de la société civile, le M5-RFP demande la démission du Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) et la dissolution de la Cour Constitutionnelle et de l’Assemblée Nationale. L’origine de la crise: la validation, par ladite Cour, de l’élection d’une trentaine de députés – dont dix membres du parti présidentiel – qui avaient été déclaré perdants par le ministère malien de l’Administration territoriale et de la Décentralisation lors des élections législatives du printemps 2020.

 

 

L’ampleur inhabituelle de la mobilisation – plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté les 5 et 19 juin en réponse à l’appel du M5-RFP- a poussé les autorités nationales et régionales à réagir rapidement. Le 16 juin, le Président Ibrahim Boubacar Keita a lancé un appel au dialogue en proposant la création d’un gouvernement d’union nationale et en évoquant la possibilité de dissoudre l’Assemblée et la Cour Constitutionnelle – 4 de ses 9 juges ont par ailleurs déjà présenté leur démission. Une partie de ses propositions a été soutenue par les médiateurs de la Communauté Économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Composée du président de la Commission Jean-Claude Kassou Brou et des ministres des affaires étrangères nigérien et ivoirien, la mission a appuyé la proposition d’un gouvernement d’accord national tout en invitant le gouvernement à organiser des élections partielles dans les circonscriptions dont les résultats sont contestés.

 

 

Si la rencontre du 23 juin est encourageante, elle ne présage pas d’une retombée des tensions. Quoique les manifestations aient en effet été déclenchées par les manipulations des résultats des élections législatives, la mobilisation et la nature de la coalition reflètent une défiance très profonde envers les représentants politiques et les institutions maliennes. Pour rappel, le Président actuel n’a été élu que par une minorité d’électeurs lors du scrutin de 2018 : parmi les 8 millions d’électeurs inscrits, seulement 1,7 millions d’entre eux avaient voté pour lui au second tour, dans un pays comptant environ 20 millions d’habitants. Cette situation n’a rien d’inhabituel en soi, le Mali présentant historiquement un taux de participation très faible. Le mauvais état des services publics, la crise sécuritaire persistante au Centre et au Nord du pays, et l’aggravation de la situation économique malienne par le couvre-feu instauré pour contrer l’épidémie de la Covid-19 n’ont fait que renforcer la crise de légitimité que connait le gouvernement d’IBK.

 

 

Cette défiance envers les représentants politiques se reflète également dans l’identité du leader du M5-RFP: l’imam salafiste quiétiste Mahmoud Dicko. Ancien président du Haut Conseil Islamique malien (2008-2019), Mahmoud Dicko dispose d’une forte influence sur la politique et la société malienne. Ancien allié d’IBK, point de contact avec les chefs djihadistes pour les négociations d’otages, l’imam a contribué à la démission de l’ancien Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga en avril 2019. Il est également responsable, entre autres, de l’abandon d’un Code de la famille en 2011 pourtant voté par l’Assemblée Nationale et de celui des cours d’éducation sexuelle en 2018.

 

 

La préférence de la population pour une figure d’autorité religieuse plutôt que politique, a fortiori ne faisant pas partie d’un courant de l’Islam majoritaire au Mali, illustre à quel point la crise est profonde. D’après le directeur du Timbuktu Institute Bakary Sambe, la popularité de Mahmoud Dicko tient en partie du fait que les représentants de l’Islam malékite – majoritaire au Mali – sont critiqués pour leur subordination aux autorités politiques en place.

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