L’Algérie aura finalement subi un revers diplomatique important dans la gestion du dossier libyen. Contre toute attente, l’ancien Ministre des Affaires Étrangères algérien Ramtane Lamamra (2013-2017) a, le 16 avril, officiellement renoncé à briguer le poste de chef de la Mission d’Appui des Nations-Unies en Libye (MANUL).
Son retrait a été provoqué par le véto qu’ont opposé les Etats-Unis à sa nomination, alors que M. Lamamra était soutenu par l’écrasante majorité des autres membres du Conseil de Sécurité ainsi que par le Secrétaire Général lui-même, Antonio Guterres.
La décision américaine est à replacer dans le contexte de l’internationalisation du conflit libyen. Les Etats-Unis ont notamment été influencés par le lobbying de trois de leurs alliés très opposés à la nomination d’un Algérien à la tête de la MANUL : les Emirats Arabes Unis (EAU), l’Egypte et la Jordanie, qui soutiennent tous le Maréchal Haftar dans le conflit libyen. Ils ont dénoncé la partialité de l’Algérie dans ce dossier, soupçonnée de pencher en faveur du Gouvernement d’Accord National (GAN) de Faïez Sarraj. Le retrait de M. Lamamra constitue donc une victoire des soutiens de l’Armée Nationale Libyenne (ANL) sur le plan diplomatique. En parallèle, ils devraient pousser la nomination d’un médiateur originaire du Moyen-Orient pour renforcer leur influence.
La sélection du chef de la médiation de l’ONU en Libye est un enjeu d’autant plus important pour les soutiens de l’ANL que celle-ci a essuyé des revers successifs dans sa campagne militaire en Tripolitaine. Le maréchal a notamment perdu le contrôle de Saratha et Sorman (70 km à l’ouest de la capitale) ainsi que d’Abou Greïn (120 km au sud de Misrata), ce qui s’explique par un changement des rapports de force dans l’espace aérien des zones contrôlées par le GAN. Jusqu’ici dominante, l’armée émiratie se voit maintenant bloquée par les capacités antiaériennes et les drones de l’armée turque.
Les trois alliés de l’ANP ont été accompagnés dans leurs efforts par le Maroc, peu désireux de voir son adversaire traditionnel renforcer son poids sur la scène internationale. Au-delà des enjeux sécuritaires que représente le conflit libyen pour l’Algérie, la nomination de Ramtane Lamamra à la tête de la MANUL aurait en effet représenté un gain diplomatique significatif pour le gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune. Celui-ci espérait pouvoir retrouver du lustre sur la scène internationale alors que le « Hirak » (série de manifestations débutée en 2019) continue de menacer sa légitimité, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.