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Le golfe de Guinée, principale zone de la piraterie mondiale
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Le rapport du Bureau maritime international, publié le 15 octobre 2019, témoigne d’une baisse générale des incidents de pirateries et de vols à main armée sur des navires dans le monde, au nombre de 119 pour les neuf premiers mois de l’année, contre 156 à la même période en 2018. Toutefois, certaines zones connaissent localement une recrudescence de la piraterie, la plus importante étant le golfe de Guinée avec une augmentation des enlèvements d’équipage comme le souligne le directeur du MBI, Pottengal Mukundan. La région est en effet le principal théâtre d’opérations de la piraterie mondiale, avec 86% des équipages pris en otage et 82% des enlèvements d’équipage dans le monde, confirmant par là une mutation majeure en Afrique: le transfert de la piraterie de l’est vers l’ouest, du golfe d’Aden au golfe de Guinée depuis 2018. Le golfe de Guinée est ainsi devenu le foyer majeur de la criminalité maritime mondiale.

 

Cette position peut s’expliquer par l’importance stratégique croissante du golfe de Guinée dans le commerce mondial, avec la multiplication des découvertes de gisements de gaz et le nombre croissant de plates-formes pétrolières. Cette zone abrite notamment les deux principaux pays producteurs de pétrole d’Afrique, le Nigéria et l’Angola. Une analyse plus fine permet de mettre en évidence que le Nigéria, première économie et premier producteur de pétrole du continent, est la première cible de cette piraterie maritime: au cours du premier semestre 2019, sur les neuf navires abordés par des pirates dans le golfe de Guinée, huit se trouvaient au large des côtes du Nigéria. Ainsi les principales cibles dans le golfe de Guinée sont des cargos pétroliers en partance des pays producteurs. 

 

La piraterie du golfe de Guinée perturbe plus globalement les routes maritimes internationales et coûte des milliards de dollars à l’économie mondiale, notamment avec l’impact sur le coût du transport maritime des problématiques de sécurisation des bâtiments. À titre d’exemple, en 2017, le coût imputé aux actes de piraterie s’élevait à 818,1 millions de dollars pour l’Afrique de l’Ouest. Face à cette criminalité maritime, plusieurs actions internationales ont été entreprises comme l’opération internationale Ocean Shield de l’OTAN en 2009, sous l’impulsion de l’ONU, mais terminée en 2016. L’Union européenne s’est aussi engagée avec l’opération Atalante en 2008, qui s’achèvera le 31 décembre 2020. L’appui et le soutien de patrouilles françaises et états-uniennes finissent de compléter l’action internationale pour la sécurité du golfe de Guinée. Ainsi la France est constamment présente dans le golfe de Guinée depuis 1990 dans le cadre de la mission Corymbe, qui vise à assurer la présence en permanence d’au moins un bâtiment de la marine française afin d’assurer la sécurité des axes de transit des navires de commerce. Cet engagement français répond également à la nécessité d’assurer la protection de ses intérêts nationaux en Afrique de l’Ouest, bassin d’implantation de nombreuses entreprises françaises dont le groupe Bolloré.

 

L’effort sécuritaire des pays de la zone se heurte quant à lui aux nombreuses difficultés de consensus de l’Union africaine, comme l’a montré en octobre 2016 le Sommet de l’Union africaine sur la sécurité maritime, donnant alors surtout lieu à des initiatives isolées pour lutter contre la piraterie. C’est le cas du Bénin et de l’opération Ouragan, qui vise depuis le 5 mars 2018 à protéger les côtes béninoises, en détruisant les ghettos de la côte. Il faut aussi relever plusieurs opérations bilatérales entre le Sénégal, la Gambie et la Guinée, avec de nombreux exercices militaires communs.

 

La difficulté des luttes contre la piraterie dans le golfe de Guinée, qui est aujourd’hui la zone offshore la plus dangereuse du monde, témoigne de la nécessité d’un renforcement des interventions et d’une plus grande collaboration entre pays de la région. Cette collaboration ne peut s’effectuer  sans dépasser les différences de systèmes juridiques qui existent entre eux, et qui criminalisent différemment les actes de piraterie. Se pose donc toujours la question d’une structure juridique commune liée à la criminalité maritime dans la région.

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