Dans la nuit du jeudi 17 octobre des manifestations massives ont pris place à Beyrouth. Des milliers de personnes se sont rassemblées pour protester contre la situation économique critique du pays. L’élément déclencheur de cette mobilisation est l’annonce de la taxation des appels vocaux émis depuis le protocole voix sur IP (VoIP), soit le logiciel utilisé par les applications comme Facebook, WhatsApp ou encore FaceTime. Face à l’expansion des manifestations sur l’ensemble du territoire, le gouvernement a retiré sa proposition de taxer de 20 centimes par jour les appels passés via VoIP. Selon le Premier ministre libanais, Saad Al-Hariri, cette mesure aurait pu augmenter les recettes de l’État de près de 200 millions de dollars par an.
Si cette proposition a mis le feu aux poudres, les protestations persistent ce samedi 19 octobre et prennent des airs de manifestations anti-gouvernementales, accusant explicitement le président libanais Michel Aoun et son Premier ministre. En 2018, plus d’un quart de la population vivait sous le seuil de pauvreté selon la Banque Mondiale et la dette publique s’élevait à près de 86 milliards de dollars, soit plus de 150 % du PIB, selon le Fonds Monétaire international. Enfin, la même année, le Liban occupait la 138e place sur 180 dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. L’opinion publique reproche à la classe politique son incapacité à mettre fin à la crise financière, et plus particulièrement à l’affairisme, à la corruption et à la décomposition des infrastructures suite à la guerre civile qui frappa le pays de 1975 à 1990.
Face à cette vague de protestations, Saad Al-Hariri a déclaré qu’il accordait 72 heures à sa coalition pour prendre des mesures soutenant ses réformes économiques. Lors de la conférence CEDRE du 6 avril 2018, l’État s’était engagé à entreprendre de grandes réformes visant la lutte contre la corruption et la viabilité des finances publiques en l’échange de dons et prêts d’investisseurs étrangers à hauteur de 11 milliards de dollars. En revanche, l’annonce de l’état d’urgence économique par le premier ministre le 2 septembre 2019 témoigne bien de l’insuccès du gouvernement à relever le défi. De plus, il semblerait que la persistance du Hezbollah dans le paysage libanais puisse rendre réticents l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et les États-Unis à soutenir encore l’économie libanaise.
La seule échappatoire résiderait alors en les partenaires d’Al-Hariri : accepteront-ils de coopérer pour la mise en place des réformes demandées par les investisseurs étrangers d’ici lundi soir prochain ?