Jeudi 20 juin, l’Iran a abattu un drone de surveillance américain au-dessus du détroit d’Ormuz : il s’agit du premier incident impliquant directement les deux Etats depuis le début des tensions issues du retrait américain de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPOA) et du rétablissement de sanctions économico-financières à l’encontre de la République islamique. Pour Téhéran, le RQ-4A Global Hawk de l’US Navy se trouvait dans son espace aérien, violant ainsi sa souveraineté alors que Washington affirme que cette attaque s’est déroulée dans l’espace aérien international et que le drone n’était pas armé (un désaccord existe également sur la nature du drone, le Pentagone déclarant qu’il s’agissait d’un MQ-4C Triton, drone dédié à la surveillance maritime, il est vrai dérivé du RQ-4A Global Hawk). Tandis que l’armée américaine n’a pas précisé quelle était la mission du drone abattu, le général Hossein Salami, commandant du Corps des Gardiens de la Révolution islamique a expliqué que l’appareil avait été abattu en entrant dans l’espace aérien iranien après avoir recueilli des informations sur le territoire iranien, notamment sur le port de Chabahar près de la frontière avec le Pakistan.
Cet incident a naturellement encore accru les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran alors qu’un doute persiste : les Gardiens de la Révolution ont-ils essayé, comme ils l’affirment, de rentrer en contact avec l’appareil américain avant de l’abattre ?
De manière similaire, un MQ-9 Reaper américain a été abattu au Yémen au début du mois par les rebelles Houthis, soutenus et assistés par l’Iran. Le CENTCOM a également mentionné qu’un autre Reaper avait été visé par un missile iranien SA-7 alors qu’il surveillait l’un des deux pétroliers attaqués dans le golfe d’Oman.
Dans la nuit du 20 au 21 juin, les Etats-Unis étaient prêts à frapper l’Iran en représailles après cet incident au-dessus du détroit d’Ormuz. Les frappes devaient viser des radars et des batteries de missiles. Finalement, le Président aurait annulé ces frappes in extremis après avoir été prévenu qu’elles causeraient la mort de 150 personnes. Donald Trump avait aussi expliqué qu’il pensait que l’incident d’Ormuz pouvait être une erreur humaine. En revanche, d’après le Washington Post, le président Trump aurait autorisé, cette même nuit, des attaques cyber contre les systèmes de défense iraniens, contre des ordinateurs nécessaires au lancement de missiles ainsi que contre un réseau de renseignement surveillant le trafic maritime dans le détroit d’Ormuz. Ces attaques auraient été planifiées depuis des semaines et déjà proposées en riposte après les attaques contre les deux pétroliers dans le détroit d’Ormuz. De plus, samedi, l’administration américaine a annoncé de nouvelles sanctions contre l’Iran.
Ce revirement peut faire l’objet de plusieurs interprétations et doit donc être traité avec une grande prudence. Ainsi, il n’est pas exclu que le Président américain ait déclenché le raid en ayant d’emblée prévu de l’annuler, dans un acte de communication musclée visant à réaffirmer la détermination américaine, dans un contexte de politique intérieure marqué par le lancement de la campagne présidentielle de Donald Trump en vue d’un second mandat. Néanmoins, au vu du caractère impulsif du président Trump, un revirement de dernière minute, alimenté par les avertissements du Pentagone quant au risque d’engrenage et d’embrasement du Moyen-Orient, ne peut non plus être exclu, Donald Trump étant également sensible à l’argument du coût économique et financier d’une confrontation armée et d’une déstabilisation majeure de la région.
La situation reste donc tendue et incertaine, avec un brouillard informationnel de part et d’autre qui invite à la prudence dans l’analyse.