Par Matthieu de Ramecourt
Le Chef d’Etat Major des armées algériennes et vice ministre de la défense, Ahmed Gaïd Salah, a appelé ce Mardi 26 mars 2019 à la destitution du président Abdelaziz Bouteflika. S’exprimant en direct à la télévision depuis la quatrième région militaire d’Ouargla, cet ancien proche du président a estimé que l’appel à l’article 102 de la Constitution était la seule solution permettant « d’aboutir à un consensus de l’ensemble des visions, et faire l’unanimité de toutes les parties ». Malgré ce qui apparaît comme un énième revirement politique de la crise amorcée il y a bientôt cinq semaines, l’opposition algérienne reste sur ses gardes.
La procédure constitutionnelle envisagée par ce haut gradé algérien envisage deux solutions de vacance du pouvoir. La première est la démission du président, la seconde une décision prise par les institutions envers un président jugé inapte à remplir son rôle de chef d’Etat pour des raisons de santé. Dans ce dernier cas de figure, le Conseil Constitutionnel doit à l’unanimité constater l’inaptitude présidentielle, et soumettre son empêchement au vote du Parlement. Si celui-ci valide la procédure avec une majorité de deux-tiers, le président serait alors écarté du pouvoir. Le président du conseil de la Nation, chambre Haute du Parlement algérien, assurerait l’intérim pour quarante-cinq jours, le temps d’organiser les prochaines échéances électorales.
Ce brusque revirement de la part d’un homme situé au sein du premier cercle du régime provoque la méfiance de l’opposition algérienne. Addad Hakim, fondateur du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), estime en ce sens que la procédure est « une manière de gagner du temps et de faire en sorte qu’ils trouvent une solution pour s’en sortir par le haut ». Bien que l’annonce puisse en effet être jugée trop conciliante envers le gouvernement actuel, puisque laissant le gouvernement en place gérer la transition, la proposition du militaire semble aux yeux de nombreux observateurs comme le consensus le plus à même de faciliter une transition pacifique. C’est exactement sur cet angle que le général Gaïd Salah semble vouloir mener son offensive rhétorique. Après avoir salué le caractère pacifique des manifestations, il a estimé que ces dernières pouvaient être «instrumentalisées par des forces ennemies internes ou externes».
Ce revirement soudain d’un membre du clan Bouteflika, nommé par le président à la tête de l’armée algérienne en 2004, donne à la contestation politique une nouvelle tournure. La balle est maintenant dans le camp des «fidèles» du clan Bouteflika, dont le nouveau président du Conseil Constitutionnel, Tayeb Balaiz, est le seul à pouvoir enclencher l’article 102 de la Constitution.