Par Edouard Josse
Dans la nuit du 22 au 23 novembre, dans la région de Mopti au centre du Mali, la force Barkhane a mené un raid contre la katiba Macina ayant probablement conduit à l’élimination de Hamadou Kouffa, l’un des principaux leaders djihadistes au Sahel. Une trentaine de combattants terroristes a également été neutralisée définitivement.
L’opération a mobilisé d’importants moyens interarmées : avions de chasse Mirage 2000 et ravitailleur C135, hélicoptères d’attaque Tigre et Gazelle en appui, drones Reaper en reconnaissance, et hélicoptères Cougar et Caïman. Dans un premier temps de la manœuvre, des frappes aériennes avaient permis de réaliser un effet de sidération sur l’objectif (« choc et effroi »), immédiatement exploité au sol par des assauts héliportés, menés par des opérateurs du commandement des opérations spéciales (Task Force Sabre).
La katiba Macina est un groupe armé terroriste apparu en 2015 au Sahel. À l’origine membre d’Ansar Dine, la katiba est désormais affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) depuis sa création en 2017 ; le GSIM est né de la fusion d’Ansar Dine et d’un groupe issu d’une scission d’AQMI.
Au début du mois de novembre, Hamadou Kouffa était apparu dans une vidéo aux côtés d’Iyad Ag Ghali, le chef touareg du GSIM et principale high value target de la France au Sahel. Présenté comme l’« émir de la province de Macina », Kouffa s’y exprime seul, en langue peule, et exhorte le peuple peul au djihad et en particulier contre les forces françaises : « J’en appelle aux Peuls, où qu’ils se trouvent : au Sénégal, au Mali, au Niger, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Nigeria, au Ghana et au Cameroun ». Par ailleurs, il est également entouré dans cette vidéo par Yahia Abou al-Haman, issu de la mouvance AQMI, dans une volonté de démontrer l’unité des différentes communautés au sein du GSIM. La réunion physique des trois hommes les plus recherchés du Sahel avait également permis de prouver leur maîtrise du terrain et leur forte mobilité malgré la pression militaire. Naturellement, cela a été reçu comme une provocation adressée à la force Barkhane.
L’opération du 23 novembre intervient deux semaines après la neutralisation du chef de la katiba du Gourma, Al-Mansour Ag Alkassaml (ex-Ansar Dine), par des groupes de commandos montagne (GCM) de Barkhane. Si la mort de Hamadou Kouffa est confirmée, on peut s’attendre à d’importantes répercussions sur le djihad au Mali. La région de Mopti, zone de peuplement peule au centre du pays, est en proie à une recrudescence de l’activité djihadiste et à la montée des tensions intercommunautaires. Les Peuls, traditionnellement éleveurs, côtoient les Dogons, souvent cultivateurs, dans cette zone qui échappe largement au contrôle de l’État. Les Peuls, assimilés aux djihadistes par les Dogons et les autres ethnies voisines, sont victimes de discriminations et de violences. L’armée malienne est également régulièrement accusée d’exactions contre les civils peuls. Ce terreau de violences ethniques a profité aux groupes terroristes qui ont pu établir des bases locales, en particulier depuis leur unification sous la bannière de GSIM en 2017. Plusieurs dizaines de villages vivraient désormais sous le joug islamiste et le régime de la charia, subissant des actes de torture, des assassinats et des violences sexuelles.
Le 24 novembre, le ministre malien de la défense a affirmé que Kouffa avait bien été tué. Du côté de l’armée française, l’état-major des Armées n’a pas encore confirmé cette information.