Par Simon Roche
Le développement d’un « super canon », basé sur le calibre de 155mm déjà existant et ayant une portée de 1600 km (1000 miles) serait le nouveau projet de l’armée américaine. Avec une telle portée, le canon aurait alors un emploi qui peut être qualifié de stratégique, c’est à dire ayant la capacité d’atteindre des cibles au-delà du champ de bataille. C’est en tout cas l’idée que semble poursuivre le colonel John Rafferty, directeur du pôle de modernisation « Tir Stratégique à Longue-portée » de l’Army.
Le projet n’est pas farfelu si l’on en examine de plus près les motivations : l’objectif est de rendre les troupes au sol indépendantes de tout soutien aérien. En effet, si ce sont aujourd’hui les forces aériennes qui ont la capacité de mener des frappes à de telles distances, les futurs théâtres d’opération devront faire face à des mesures de déni d’accès de l’espace aériens (A2/AD), comme le laissent présager les développements chinois et russes en la matière. Dès lors, les troupes américaines devront s’appuyer sur des armes proprement terrestres. Cette prise de conscience est également celle d’un retard dans le domaine de l’artillerie, délaissée aux Etats-Unis depuis une quinzaine années.
Ce renouveau a été lancé en 2017 par le Chief of staff de l’Army, Mark Milley, qui a fait du tir de précision à longue portée (en anglais Long-Range Precision Fire ou LRPF), l’une des six priorités majeures de son administration.
Au niveau tactique, le programme Extended Range Cannon Artillery (ERCA) et le développement du XM1113 Rocket Assisted Projectile (RAP) d’ici 2023 devrait étendre la portée de la munition de 155mm jusqu’à 70km (24 miles) voir 130km dans les développements ultérieurs.
A une distance opérationnelle, le Precision Strike Missile (PRSM) pourrait atteindre les 500 km, la portée maximale de l’ogive étant limitée par le traité sur les Forces Nucléaires à portée Intermédiaire (INF) de 1987. Cependant, bon nombre de projets sont aujourd’hui à l’étude pour développer plusieurs sortes de munition intelligente pouvant agir à une telle portée, notamment sur une base de missile, sans compter les risques d’une sortie du traité INF pour faire pièce à la Russie.
D’un point de vue stratégique, l’Army aurait donc pour projet de développer des munitions qui s’inscriraient dans les interstices du traité INF pour atteindre une portée de 1600 km. C’est l’objet du programme Strategic Long Range Cannon décrit plus haut. Pour ce faire, la munition serait mise en œuvre en deux temps : tout d’abord une propulsion par canon, avant, une fois en l’air, une poussée produite par une fusée intégrée. Ce procédé serait par ailleurs beaucoup moins coûteux pour l’armée américaine que les actuelles fusées dont la propulsion principale se détruit lors de l’utilisation. Cependant, un défi subsiste pour les équipes de John Rafferty : il s’agit de trouver comment intégrer l’artillerie de l’armée au réseau de surveillance satellitaire américain, seul à même de conférer une grande précision à un tir sur une telle distance.