Now Reading:
Tournant diplomatique en Somalie aux dépens de Djibouti
Full Article 3 minutes read

Par William Lenfant

 

La corne de l’Afrique entérine cette semaine son effort de pacification amorcé par l’Erythrée et l’Ethiopie, après le rétablissement de leurs liaisons commerciales et diplomatiques. Pour soutenir cette tendance vers l’apaisement, le président somalien s’est rendu en Erythrée sur une durée de trois jours, pendant lesquels les deux pays semblent s’être considérablement rapprochés. Le président Issayas Afewerki a célébré lors d’un banquet la proximité des deux pays, au nom d’une culture et d’une Histoire commune. Concrètement, les instances diplomatiques annoncent la réouverture prochaine des ambassades dans chaque pays, à Mogadiscio et à Asmara. Sur le plan symbolique, l’Erythrée a déclaré reconnaître officiellement l’indépendance de la Somalie.

Pour autant, les deux pays n’ont pas voulu évoquer les points de discorde toujours saillants. Depuis une quinzaine d’années des affrontements répétés ont lieu en Somalie, alors que l’Ethiopie et l’Erythrée exportaient leur conflit, tandis que le soutien supposé de l’Erythrée à des mouvances islamistes pour déstabiliser la région cristallise toujours les tensions. Malgré cela, le chef de l’Etat érythréen a brillé d’optimisme, en déclarant notamment que “le conflit et l’instabilité sont proches de leur fin”, entraînant deux conséquences majeures. D’abord, la possible suspension des sanctions de l’ONU à l’égard de l’Erythrée en guise de récompense pour la nouvelle ligne diplomatique d’Asmara, en dépit des accusations de non-respect des droits de l’homme dont elle fait l’objet. Ensuite, la vive réaction de Djibouti qui s’est s’inquiète du rapprochement progressif de ses voisins. Aden Hassan Beleloo, ambassadeur de Djibouti à Mogadiscio a envoyé un communiqué réprobateur aux autorités somaliennes en stipulant que son pays ne tolérait pas cette nouvelle posture. En cause, l’accusation de l’annexion d’une partie du territoire de Djibouti dans la zone de Ras Doumeira ainsi que la détention d’une dizaine de ses soldats par les troupes érythréennes.

Bien que Nebil Said, conseiller de la mission érythréenne à l’ONU ait déclaré que son pays avait d’ores et déjà libéré les prisonniers en 2016, Djibouti entend bloquer les nouvelles tentatives de dialogue si Mogadiscio ne change pas de posture. En réalité, Djibouti semble isolé du fait de ce renversement diplomatique, et voit bon nombre de ses privilèges s’étioler. En effet, sa position au cœur du Golfe d’Aden offrait un accès unique puisque pacifié à la mer rouge, attirant ainsi les puissances étrangères qui ont installé plusieurs bases sur ses côtes. On comprend dès lors que cette recomposition mette à mal son rayonnement, ce qui expliquerait en partie cette réaction.

Input your search keywords and press Enter.