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Guérillas et sociétés en Amérique latine – 3 – Le Cône Sud
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Par Thomas Péan

 

 

Dans le cadre de notre série d’articles sur les guérillas au sein des sociétés latino-américaines, nous avons déjà eu l’occasion d’étudier les cas colombien et péruvien. Le phénomène de guérillas d’extrême-gauche a également touché les sociétés du Cône Sud à différents degrés. Comment sont apparues ces guérillas au Chili, en Argentine et en Uruguay ? Les appareils militaires constitués au cours des dernières décennies du XIXème siècle seront utilisés par les régimes autoritaires pour lutter contre les oppositions, notamment les guérillas d’extrême-gauche.

 

L’expression Cône Sud désigne une région périphérique de l’Amérique Latine renvoyant à des critères géographiques, culturels et ethniques, regroupant l’Argentine, l’Uruguay et secondairement le Chili ; ces pays ont bénéficié des vagues de migrations européennes à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. Des migrants italiens, allemands, croates ainsi que juifs ashkénazes ont contribué à façonner une culture propre au Cône Sud, qui se distingue ainsi du reste de l’Amérique Latine. Ces différents flux de migration européenne ont ainsi façonné le développement progressif des sociétés du Cône Sud entre 1880 et 1950.

 

Dans le domaine militaire, le Chili fait figure de précurseur dans la région. Les forces armées chiliennes furent formées et modernisées sous la férule de missions militaires prussiennes puis allemandes. En 1891, l’officier Emil Koelner, venu de Berlin, mène la modernisation de l’armée nationale du Chili, alors en pleine guerre civile. En Argentine et en Uruguay, l’afflux de populations européennes va de pair avec le développement multisectoriel des sociétés nationales, en particulier dans le domaine de la défense[1]. En effet, les armées argentines et uruguayennes deviennent parmi les plus puissantes de l’aire latino-américaine du fait de l’intégration des techniques européennes. Dans le cadre de la conquête des espaces méridionaux du continent, le Chili et l’Argentine luttent contre les Amérindiens Mapuches, avec la Conquête du Désert en Argentine entre 1879 et 1881. Le gouvernement argentin a en effet entrepris la conquête des territoires méridionaux de la Pampa et de la Patagonie. Mais ce développement des forces armées nationales est également marqué par des rivalités régionales. En 1900, la Republica Velha[2] brésilienne bénéficie d’importantes rentrées financières grâce à la production de café. Afin de rattraper son retard sur ses voisins argentin et chilien, le gouvernement brésilien met en place d’importants programmes d’armement contribuant au développement significatif et à la modernisation de son arsenal naval. Face à l’essor stratégique du Brésil, le Chili et l’Argentine réagissent en multipliant les commandes de défense nationale.

 

Tirs depuis le bâtiment de la Marine brésilienne Minas Gerais (1909)[3]

 

Bâtiment chilien Almirante Latorre (décembre 1921)[4]

 

Comme dans le reste de l’Amérique Latine, les forces armées dans le Cône Sud jouent souvent un rôle politique remarquable : intermédiaire, garant de l’ordre public en cas de désordre ou acteur politique en soi. Les officiers Getulio Vargas au Brésil (1930-1950) et Juan Domingo Peron en Argentine sont des figures politiques majeures issues du monde militaire qui marquent durablement -positivement ou non- la vie politique de leurs pays. Au-delà de l’association générale entre les forces militaires et les régimes autoritaires, certaines figures militaires du Cône Sud représentent en réalité une alternative à des gouvernements précédents corrompus, ou affaiblis. C’est au cours des décennies 1960 et 1980, que les forces armées du Chili, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Brésil acquièrent leur sinistre réputation. Dans un contexte de Guerre froide, les forces militaires craignent l’influence subversive de la Révolution cubaine dans la région. Les mouvements étudiants et syndicaux, les partis politiques et les guérillas de gauche suscitent ainsi la crainte croissante des militaires du Cône Sud. Au Brésil, la République établie depuis 1945-1946, décline au cours des années 1960 sous les mandats des différents Présidents Janio Quadros, Ranieri Mazzilli et Joao Goulart. Finalement, ce régime est renversé par le coup d’Etat du Maréchal Castelo Branco le 31 mars 1964. L’argument de la lutte contre la subversion communiste est alors employé par le nouveau gouvernement afin de se légitimer . C’est une notion que l’on retrouve également dans les pays voisins au cours de cette période. En 1973, le gouvernement chilien socialiste de Salvador Allende, sous lequel la vie politique s’était radicalisée, est renversé par le coup d’Etat d’Augusto Pinochet marqué par le bombardement de la Moneda, le palais présidentiel. En Uruguay, le 27 juin 1973, l’armée réalise un coup d’Etat, tout en maintenant le président précédent Juan Maria Bordaberry qui exerce le pouvoir de 1973 à 1976. En Argentine, l’influence du péronisme issu de l’officier Juan Domingo Peron reste majeure dans les années 1970 que ce soit à travers les Montoneros, jeunesses péronistes d’extrême-gauche ou l’extrême-droite péroniste. Le prisme idéologique du péronisme englobait ainsi un ensemble de courants divers et parfois contradictoires. Finalement, en 1976, un groupe de militaires renverse le gouvernement élu d’Isabel Allende et Jorge Videla prend la tête du Processus de Réorganisation Nationale, nom de la junte militaire argentine.

 

Tous ces régimes autoritaires se prévalent de défendre l’intégrité de la nation, les valeurs nationales comme la famille ou l’identité, la population du pays contre une prétendue subversion communiste soutenue ou inspirée par Cuba, la Chine maoïste et l’Union Soviétique. Les noms officiels des dictatures argentine et uruguayenne attestent ainsi de la mission que s’attribuent les militaires au pouvoir : protéger la nation contre les menaces extérieures et intérieures. Les régimes militaires sont confrontés à une opposition progressivement réduite et clandestine constituée de mouvements étudiants et syndicaux, de partis politiques, de guérillas de gauche et d’autres structures plus confidentielles. En Argentine, les Montoneros parasitent l’autorité du Processus de Réorganisation Nationale au nom du péronisme. Au Chili, les militants communistes, socialistes voire démocrates-chrétiens (Eduardo Frei) agissent dans la clandestinité contre le gouvernement d’Augusto Pinochet.

 

Logo des Tupamaros[6]

 

Dans le cadre de la lutte des régimes militaires à l’égard de ce qu’ils considèrent comme la subversion communiste, les gouvernements chilien, uruguayen, argentin et brésilien se mobilisent ensemble. Ce qui est passé à la postérité comme l’Opération Condor est l’ensemble des actions de contre-révolution menées par ces régimes et leurs alliés : tortures, missions militaires, exécutions, action stratégique. Plusieurs agents extérieurs contribuent alors à l’activité contre-révolutionnaire de ces régimes notamment le Français Paul Aussaresses au Brésil ou l’Allemand Paul Schäfer au Chili (Colonia Dignidad). La Colonia Dignidad qui demeure une expérience de secte a bénéficié d’une large implantation au Chili. Si l’action des services de renseignement américains (Central Intelligence Agency) est traditionnellement présente dans la région, la Présidence de Jimmy Carter en faveur d’une politique extérieure pour les droits de l’homme, marque un coup d’arrêt dans l’action des services secrets jusqu’aux années Reagan où le nouveau Président américain clôt la politique étrangère développée par Jimmy Carter. L’Argentine prend alors le relais de la contre-révolution, et bénéficie de moyens militaires et stratégiques importants[7].

 

Du côté du Chili de Pinochet, la police secrète DINA intervient même sur le sol nord-américain où le 21 septembre 1976, l’ancien ministre des Affaires Étrangères chilien Orlando Letelier et son assistante américaine Ronni Karpen Moffitt sont victimes d’un attentat à la voiture piégée à Washington D.C. À travers le climat particulier propre aux régimes autoritaires des années 1970, on relève les capacités militaires et stratégiques des pays du Cône Sud. Les forces militaires jouissent d’une place politique privilégiée au cours de cette période, utilisent la torture pour réduire l’opposition et interviennent même hors des frontières nationales (Argentine) pour endiguer la “subversion communiste” (Opération Condor). La guerre des Malouines a toutefois cruellement pointé les limites de cette puissance argentine. Cet archipel situé au large des côtes argentines constitue en réalité un site stratégique pour l’Argentine. La zone autour des Malouines – en anglais Falklands – est riche en hydrocarbures. Du reste, en 1981-1982, la dictature militaire dite Processus de Réorganisation Nationale veut utiliser la mobilisation contre le Royaume-Uni pour relancer en sa faveur l’unité nationale. A travers la défense des Malouines, las Malvinas, le gouvernement développe l’idée d’une Argentine bicontinentale à cheval sur l’Amérique du Sud et le continent Antarctique. La junte militaire argentine s’engage donc dans ce conflit avec le Royaume-Uni pour des raisons à la fois stratégiques, économiques, politiques et symboliques. Les hostilités débutent en avril 1982. Les forces armées d’Argentine prennent l’initiative dans l’archipel. L’enjeu est néanmoins également crucial pour le Premier Ministre britannique Margaret Thatcher, qui voit dans les Îles Malouines une opportunité de redorer son blason auprès de l’opinion publique anglaise. En effet, ce contentieux permet de démontrer la détermination du Royaume-Uni à préserver sa souveraineté outre-mer y compris dans le sud de l’Atlantique. Le Royaume-Uni dépêche donc une force expéditionnaire qui traverse l’Atlantique puis atteint l’archipel austral. Rapidement, les forces britanniques prennent l’ascendant sur celles de l’Argentine et triomphent en juillet 1982. Cette défaite jette le discrédit sur le gouvernement argentin déjà affaibli dans l’opinion publique nationale.

 

Les années 1980 voient ainsi la chute successive des régimes dictatoriaux dans le Cône Sud, qui s’accompagne de transitions vers la démocratie. Le Processus de Réorganisation Nationale argentin prend fin en 1983 avec le retour à la démocratie. En 1985, le Brésil et l’Uruguay accèdent également à la démocratie[9]. Le 22 août 1979, la loi d’amnistie annonce le retour progressif à la démocratie et l’élection de Tancredo Neves en 1985. Il faut cependant noter le rôle des juntes militaires qui dès le début des années 1980 ont, sincèrement ou par opportunisme, amorcé des processus politiques devant conduire à la libéralisation du régime ou à l’organisation d’élections nationales. Le Chili est le dernier pays de la région à voir la chute du régime autoritaire établi depuis 1973. La défaite de Pinochet au référendum de 1988 conduit à son retrait et à l’émergence d’un gouvernement de transition. Ainsi prend fin un processus commencé dix ans plutôt qui a vu s’opposer les guérillas d’extrême-gauche (Montoneros, Tupamaros) aux régimes autoritaires. Ces derniers ayant triomphé ont mis en place des dispositifs répressifs à l’aide de leurs propres capacités militaires (centres, matériel, forces armées, renseignement) ou de soutiens étrangers. Au nom de la lutte contre ladite subversion communiste et de la défense de la nation, les dictatures du Cône Sud ont également collaboré au sein de l’Opération Condor. Les Etats-Unis en retrait lors de la Présidence Carter (1976-1981) ont ainsi laissé la place à l’Argentine dans la répression politique dans le continent. Ce pays s’est alors trouvé à la tête de la lutte des régimes autoritaires contre les mouvements communistes. Une telle lutte a été rendue possible par le potentiel militaire de l’Argentine et plus généralement de l’ensemble des pays du Cône Sud : Chili, Brésil, Uruguay. Ces dernières qui bénéficient de programmes d’armement français, on toutefois infligé de lourdes pertes aux forces navales britanniques grâce à leurs missiles Exocet.

 

Les transitions vers la démocratie entamées dans les années 1980 et 1990 puis les premiers gouvernements élus dans les pays du Cône Sud ont fait jaillir de forts enjeux mémoriels. En effet, les violences commises par les différents protagonistes, la répression des régimes et les affrontements avec les oppositions, souvent clandestines, ont jeté la mort, la disparition et la souffrance parmi les populations civiles du Cône Sud. Dans le cas argentin, les Grand-Mères de la Place de Mai illustrent la mobilisation des proches de disparus afin de dénoncer les actions de la Junte au pouvoir et de commémorer leurs enfants disparus. Au Chili et au Brésil, des commissions nationales ont été mises en place pour juger les responsables de répression et permettre à la nation divisée de retrouver une certaine unité. Augusto Pinochet a été arrêté au Royaume-Uni en 1998. Au cours de ces années de dictature, on constate enfin que le monde artistique et intellectuel a été souvent exposé à la répression. Au Chili, les représentant de la Nueva Cancion Chilena ont souffert de l’arrivée de la dictature militaire. En effet si Inti Illimani était alors en tournée en Europe choisissant ainsi la voie de l’exil, Victor Jara est exécuté dès les premiers jours du régime autoritaire d’Augusto Pinochet (1973-1989). Au Brésil, la fin des années 1960 a vu l’essor d’une contestation étudiante et intellectuelle autour de l’année 1968. Le mouvement O Tropicalismo avec Chico Buarque, Caetano Veloso ou Tom Zé cherche à associer création musicale innovante et engagement politique. A cet égard la chanson Apesar de Voce de Chico Buarque raconte la mobilisation des opposants au régime (1964-1985) contre la répression.

 

Rassemblement de proches de disparus au Chili (non daté)[11]

Depuis les années 1980 et 1990, les pays de cette région ont voulu encadrer l’action de leurs forces armées en raison de la sinistre réputation que ces dernières avaient acquises précédemment. Au Brésil, au Chili, en Uruguay et en Argentine, les nouveaux gouvernements ont traité avec méfiance les armées nationales marquées par les souvenirs noirs des années de dictature. Néanmoins, depuis plusieurs années, cette conception de la relation tripartite entre l’Etat, la société civile, et les armées évolue. Les nouvelles générations qui ont grandi dans un contexte post-dictatorial n’ont pas connu directement les actions répressives des régimes militaires. De plus, le retour de menaces traditionnelles (narcotrafic, insécurité, catastrophes naturelles) et l’émergence de nouveaux défis sécuritaires (attentats, crises politiques ou sociales) conduisent les gouvernements actuels à revoir à la hausse l’implication de leurs forces armées dans le pays. Le Chili comme ses voisins du Cône Sud demeure, en Amérique latine, une figure de proue de la coopération militaire régionale ou internationale, récemment grâce à Velas Latinoamerica 2018, exercice transfrontalier sur la voie fluviale Parana-Paraguay associant l’Argentine, le Paraguay et le Brésil dans des manoeuvres stratégiques, dans les contrats d’équipements militaire et stratégique (blindés, armement, avions, drones, cyberdéfense).

 

SOURCES :

 

– Revue Internationale de Politique Comparée, La démocratie en Amérique Latine, 2011, Graciela Ducatenzeiler et Victoria Itzcovitz.

– Matériaux pour l’Histoire de Notre Temps, De la “démocratie intégrée” au terrorisme d’Etat 1973-1976, 2006, Anna M. Barletta et Jorge Cernadas.

– Matériaux pour l’Histoire de Notre Temps, Autour de la re-légitimation de la classe politique argentine, 2006, Waldo Ansaldi.

– Revue Internationale et Stratégique, Le Chili du Président Lagos de l’isolement imposé au volontarisme extérieur, 2001, Jean-Jacques Kourliansky.

– Cultures et Conflits, Répression, transitions démocratiques et ruptures biographiques-Le cas des militants communistes chiliens, Daniela Cuadros.

– Monde(s), Exil, dénonciation et exotisme : la musique populaire chilienne et sa réception en Europe (1968-1989), 2015, Javier Rodriguez Aedo.

– Vingtième Siècle Revue d’Histoire, Washington et les régimes militaires sud-américains (1964-1989), 2010, Isabelle Vagnoux.

– Vingtième Siècle Revue d’Histoire, Aux origines du terrorisme d’Etat en Argentine, Les influences françaises dans la formation des militaires argentins (1955-1976), 2010, Mario Ranalletti.

– Vingtième Siècle Revue d’Histoire, Tupamaros et dictature, Débats sur le coup d’État de 1973 en Uruguay, 2010, Aldo Marchesi.

– Vingtième Siècle Revue d’Histoire, Faire la révolution et rentrer dans le rang, Les effets paradoxaux de l’exercice du pouvoir sur l’armée brésilienne, 2010, Maud Chirio.

– Vingtième Siècle Revue d’Histoire, La politique sous la dictature argentine, Le Processus de réorganisation nationale ou la tentative inachevée de refonte de la société (1976-1983), 2010, Paula Canelo.

– Vingtième Siècle Revue d’Histoire, Construction du pouvoir et régime militaire sous Augusto Pinochet, 2010, Verónica Valdivia Ortiz de Zárate.

– Vingtième Siècle Revue d’Histoire, 1968 au Brésil, 2010, Marieta de Moraes Ferreira.

– Tumultes, Musique populaire et Politique au Brésil. Chico Buarque de Hollanda, 2002, Virgínia Fontes.

– Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, La politique des militaires 1961-1978, Mobilisations et révoltes d’officiers sous la dictature brésilienne, 2011, Maud Chirio.

– Annales de Démographie Historique, Une approche démographique des années difficiles (Uruguay 1973-1985), 2014, Adela Pellegrino et Raquel Pollero.

– Hérodote, L’armée britannique, projection de puissance et géopolitique euratlantique, 2005, Jean-Sylvestre Mongrenier.

– Mots Les langages du politique, « Las Malvinas son argentinas », La construction de l’identité argentine à travers la « cause des Malouines », 2015, Morgan Donot.

[1] On constate que durant les dernières décennies du XIXe siècle et la première décennie du XXe siècle, les pays du Cône Sud bénéficient de la création de systèmes éducatifs (Réforme Varela en Uruguay), scientifiques (instituts, universités, écoles), militaires, politiques (partis politiques), culturels (embellissement de Buenos Aires) modernes.

[2] Vieille République en portugais brésilien.

[3] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Brazilian_battleship_Minas_Geraes_firing_a_broadside.jpg.

[4]en.wikipedia.org/wiki/South_American_dreadnought_race#/media/File:Chilean_battleship_Almirante_Latorre.jpg.

[6] Voir source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:TUPAMARO.svg.

[7] A cet égard, le nom officiel de l’interventionnisme militaire argentin est l’Opération Charly.

[9] Dans le cas brésilien, Lula da Silva ex Président a été syndicaliste et incarné le mouvement en faveur de la transition à la démocratie dans les années 1980;

[11] Voir source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Agrupación_de_Familiares_de_Detenidos_Desaparecidos_de_Chile_(de_Kena_Lorenzini).jpg.

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