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Brésil : bilan des cent premiers jours de la présidence Bolsonaro
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Par Salomé Sifaoui

 

A l’issue des cent premiers jours de sa présidence, Jair Bolsonaro atteint une côte de popularité jamais égalée : 34% d’avis favorables, la plus basse pour un président brésilien au regard des derniers mandats.

 

Dès lors, un premier bilan s’impose. Fort de ses tweets frénétiques, encadré par ses trois fils au pouvoir grandissant – toujours sans fonctions définies -, le chef de l’Etat a axé sa politique extérieure sur le renforcement de relations avec de nouveaux partenaires : les Etats-Unis et Israël en particulier.

 

Conseillé par Steve Banon, pourtant très présent en Europe, Jair Bolsonaro n’a pas encore défini de stratégie diplomatique vis-à-vis de l’Europe. Pendant sa campagne, des dissensions avaient émergé entre les deux blocs, en raison de la remise en cause de l’accord de Paris par Bolsonaro, qu’il avait menacé de quitter. L’Union Européenne, face à ce climato-scepticisme avait évoqué en réaction, une remise en cause de la signature d’un traité bilatéral de libre-échange entre Mercosur et UE, sur la table depuis une vingtaine d’années.

Pour l’instant, depuis son investiture, il n’a fait aucune allusion à l’Europe, ni à une éventuelle sortie de l’accord pour le climat, si ce n’est, à l’instar de ces prédécesseurs, pour dénoncer les mesures protectionnistes agricoles mises en place par l’Union dans le cadre de la PAC.

 

La gouvernance par décret a pour autant mis à mal l’accord de Paris avec le gel de la démarcation des terres indigènes, et le transfert de la FUNAI sous la coupe désormais du ministère de l’agriculture (ce qui risque de renforcer l’influence de l’industrie agro-alimentaire). Depuis 2017, une cinquantaine de personnes, qui portaient des revendications écologistes sont mortes dans le cadre de leur lutte. En 2019, le taux de mortalité a augmenté de 18%, notamment dans les villes. C’est le résultat de la mise en œuvre de la politique volontariste de lutte contre la criminalité menée par Bolsonaro qui a octroyé une grande latitude aux forces de l’ordre : la police tue désormais en moyenne 5 personnes chaque jour dans les rues de Rio, tuant notamment la semaine dernière  le musicien Evaldo dos Santos Rosaen voiture avec ses enfants, ce qui a été décrit officiellement comme une « erreur ».

 

Ces deux actions du gouvernement sont les plus visibles, alors que la réforme des retraites, pourtant définie comme priorité, ne connaît pas ou très peu d’évolution ; chose que la bourse, en constante augmentation depuis janvier, remarque et se stabilise.

 

Ces 100 jours ont surtout été marqués par les interventions polémiques du Président, qui profitent aux militaires du gouvernement qui, en le recadrant, s’érigent en figures sages et responsables, jouant un rôle de garde-fous de l’Etat, dans une dynamique qui n’est pas sans rappeler les débuts de l’administration Trump. Les militaires sont, à cet effet, les gagnants de la politique bolsonarienne, qui la semaine dernière, entendait commémorer le coup d’Etat de mars 1964 instaurant la dictature militaire. La décision a finalement été approuvée en appel par la justice. Le président s’est à cet égard défendu de tout éloge de la dictature en estimant qu’il s’agissait de « se remémorer les faits » et non de les « commémorer ».

 

Quelle sera donc la suite de cette dynamique de militarisation croissante du pouvoir ? Récemment, le vice-président Hamilton Mourao (un général en retraite) a répondu à une question lors d’une conférence à Harvard en affirmant que la différence entre lui et Geisel (l’un des généraux au pouvoir sous la dictature) était que « lui avait été élu et pas Geisel », soucieux de mettre un terme à toute allégation de retour à une nouvelle dictature.

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