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Vers une recomposition de la présence américaine en Afrique
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Alors que les Etats Unis ont décidé d’exclure la Mauritanie des avantages commerciaux de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act) à partir de janvier 2019, après avoir accusé le pays de maintenir le “travail forcé” et l’esclavage héréditaire, la porte-parole du Pentagone, Candice Tresch a annoncé la réduction du nombre de militaires déployés en Afrique pour les années à venir. Hors Egypte, près de 7200 militaires américains sont déployés, avec 4000 hommes à Djibouti, où bases française et chinoise se toisent, et près de 730 hommes au Niger, carrefour stratégique qui permet d’intervenir contre le terrorisme au Mali, au Nigéria, mais également en Libye. Le Pentagone reste muet en ce qui concerne les pays concernés, mais soutient que l’implication des forces américaines en Afrique ne sera pas impactée par cette baisse de près de 10% des troupes : l’effort militaire sera accentué en ce qui concerne la formation et le conseil aux forces locales dans la lutte anti-terroriste.

 

Faut-il y voir la preuve d’un désintérêt de la part de Donald Trump pour le continent africain, alors qu’une commission parlementaire bipartisane a déclaré ce mercredi le risque d’une érosion “dangereuse” de la supériorité militaire des Etats Unis face à la concurrence imposée par la Chine et la Russie ? Selon l’historienne Maya Kandel, qui signe une tribune à ce sujet dans Le Monde[1], une telle interprétation se révèlerait illusoire. Certes, Donald Trump a marqué les observateurs par son dédain à l’égard des affaires africaines, lui qui transfigurait à son insu la Namibie en “Nambia” lors d’un discours adressé aux diplomates africains. Cependant, il semble avoir sinon adopté, du moins prolongé la stratégie d’Obama en Afrique, en accentuant la lutte contre le terrorisme et en plaçant la question de la sécurité au centre de la diplomatie américaine, se désintéressant de la promotion de la “bonne gouvernance” (contrairement à son prédécesseur). Geste d’importance, Trump a délégué les décisions de terrain aux militaires eux-mêmes, permettant une intensification de l’engagement américain contre l’organisation Etat islamique et ses groupes affiliés, à l’image de l’augmentation des frappes en Somalie.

 

Les contours de l’implication se dessinent également dans le soutien apporté aux forces françaises engagées dans le Sahel, et l’apport financier au G5 Sahel : suite au rôle prépondérant joué par les troupes tchadiennes menées par Idriss Dby Itno au sein de la mission G5 Sahel, les Etats Unis se sont décidés en avril à autoriser les ressortissants tchadiens à pénétrer sur le territoire américain, alors placés jusque-là sur la “liste noire” de Washington. Par l’entremise d’une approche protectionniste du commerce impulsée par le représentant du commerce Robert Lighthizer, les Etats Unis n’hésitent plus à rompre les partenariats qui ne répondent pas aux critères de réciprocités imposés par Washington, et n’hésitent pas à intervenir dans les contentieux diplomatiques afin de servir leurs intérêts. On se souvient ainsi de la récente “crise de l’or noir” en Libye qui signait la réappropriation par Donald Trump du dossier libyen : alors que le maréchal Haftar souhaitait céder la production de pétrole en Cyrénaïque aux autorités de l’Est, contre le gouvernement de Tripoli, les Etats Unis sont intervenus dans les négociations et réussirent à relancer la commercialisation du pétrole brut.

 

Pour autant, au regard de l’historienne, l’Afrique apparaît désormais comme un “terrain d’affrontement” où il convient de contrer l’émergence d’une “route de la soie” propice aux intérêts chinois. Or, l’extension des rapports de force permet aux pays africains de faire valoir une concurrence neuve, qui impose un renouvellement de l’approche américaine des relations diplomatiques. Face à la stratégie “gagnant-gagnant” amorcée par Pékin, il s’agit désormais de proposer des accords bénéfiques pour l’ensemble des pays signataires, à l’image du vote par le Congrès, fin septembre, d’une loi qui doit permettre une politique d’investissements favorable au continent africain.

 

SOURCES :

[1] L’Afrique est restée sous le radar de Donald Trump – Maya Kandel – Le Monde 10 novembre

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