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Après l’ère Netanyahou, le déluge ?
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Par Adrien Sémon

 

Devant l’incapacité du gouvernement à faire adopter son budget en décembre 2020 par la Knesset, celle-ci fut dissoute de manière anticipée et des élections furent convoquées pour le 23 mars 2021. Celles-ci, les quatrièmes en moins de deux ans, donnèrent jour à un Parlement encore plus divisé. Fragilisé par les affaires de fraude et corruption, le Premier ministre sortant Benyamin Netanyahou ne fait plus l’unanimité au sein de son parti, le Likoud. Ce même parti est désormais contesté par deux nouvelles formations de la droite dure : Yamina de Naftali Bennett et Nouvel Espoir de Gideon Sa’ar, tous deux anciens ministres de l’ère Netanyahou.

Si le Likoud demeure, malgré la perte de 7 sièges, la première formation politique de la Knesset avec 30 sièges sur 120, la polarisation de la vie politique autour de la personne de Benyamin Netanyahou a fait fondre les soutiens et alliances politiques dont il disposait. À tel point que, lorsque chargé le 6 avril dernier de former un gouvernement, le Premier ministre sortant fut mis en échec après avoir essuyé le refus de Naftali Bennett à qui il avait pourtant proposé le poste de Premier ministre pendant la première année de ce gouvernement.

 

Face à cette impasse, le Président Reuven Rivlin demanda le 5 mai à Yaïr Lapid, chef de la deuxième formation politique avec 17 sièges au sein de la Knesset, le parti centriste Yesh Atid, de former un gouvernement. Ayant réuni une coalition hétéroclite rassemblant huit partis allant de la gauche travailliste à la droite nationaliste incarnée par Yamina et Nouvel Espoir et intégrant, fait notable, le parti islamiste modéré Ra’am, le gouvernement formé par Yaïr Lapid a reçu la confiance du Parlement ce dimanche 13 juin. Ce gouvernement de coalition présidé par Naftali Bennett – Yaïr Lapid lui a confié le poste de Premier ministre pendant deux ans afin d’obtenir son soutien, lui-même étant actuellement ministre des Affaires étrangères – a dès à présent pour mission de tourner la page de l’ère Netanyahou et de refermer les plaies dues à la plus grave crise politique israélienne. La tâche est cependant loin d’être aisée, l’hétérogénéité de cette coalition et la relative majorité avec laquelle elle obtint la confiance du Parlement – 60 voix contre 59 et 1 abstention – laissent transparaître sa fragilité face à un bloc d’opposition solide centré autour du Likoud, du Parti sioniste religieux et des deux partis ultra-orthodoxes Shas et Judaïsme unifié de la Torah. Autre tâche des plus importantes qui accroît les tensions politiques, cette Knesset va devoir procéder à l’élection d’un nouveau Président pour un mandat de sept ans cet été

 

Par conséquent, le spectre de l’instabilité politique perdure et la probabilité d’un retour de Netanyahou à la résidence de Balfour demeure à la mesure de l’éventualité d’un échec du gouvernement actuel à maintenir en place sa coalition parlementaire. Celui-là, lors de son allocution à la Knesset dimanche a notamment fustigé le nouveau gouvernement comme une dangereuse menace de gauche envers la sécurité d’Israël et a déclaré : « nous allons faire tomber ce mauvais gouvernement et nous serons de retour pour diriger le pays à notre manière »[1].
Ces propos, couplés aux manifestations des partisans pro-Netanyahou devant les domiciles des députés de Yamina qui marquèrent les dix jours précédant le vote de dimanche[2], semblent précurseurs du climat politique délétère qui s’annonce.
À ce titre, la manifestation des militants juifs nationalistes de ce mardi 15 juin commémorant la réunification de Jérusalem en 1967 fait figure de premier défi dressé à la coalition gouvernementale. Initialement prévue le 10 mai, puis décalée au 10 juin en raison des manifestations contre la colonisation israélienne du mois dernier et ultimement reportée à ce mardi par le gouvernement de Benyamin Netanyahou, cette marche fut le théâtre de nombreux heurts entre Palestiniens et Israéliens et marque un risque de reprise du conflit avec le Hamas. Notons à cet égard que des batteries du Dôme de fer ont été déployées autour de Jérusalem en prévision de l’événement[3].

 

« Après moi le déluge ! », la formule résume en substance l’attitude de Benyamin Netanyahou à l’égard de la vie politique de son pays, quitte à ce que, passé dans l’opposition, il soit lui-même l’artisan du chaos.

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