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Création du Collège du renseignement en Europe
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Le contexte sécuritaire actuel sur le sol européen a laissé s’élever quelques voix en faveur de la construction d’une « culture stratégique commune » pour faire face à des menaces imprévisibles. La coopération entre les services de renseignement européens repose déjà sur des partenariats bilatéraux ainsi que sur deux structures que sont la division renseignement militaire de l’état-major de l’Union européenne et l’Intelligence Center, mais il s’agirait à terme de disposer d’un outil capable de promouvoir une véritable stratégie de défense au niveau européen et cela passe évidemment par la capacité de renseignement.

 

Le 26 février dernier, 23 pays ont signé une lettre d’intention à Zagreb pour formaliser la création du Collège européen du renseignement, décidée le 5 mars 2019 à Paris. Sept Etats en sont en outre partenaires. Le Collège entend favoriser et renforcer la culture du renseignement en Europe. La Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) a félicité l’initiative : « Sur un sujet aussi régalien que le renseignement, arriver à mettre 23 pays [d’accord pour] signer en bas d’un même document, c’est une première ».

 

En septembre 2017, lors de son discours de la Sorbonne, le président Macron avait proposé la création d’une « Académie européenne du renseignement ». Dans une perspective de renforcement de l’Europe de la défense, les objectifs principaux étaient de développer une culture partagée et de créer une plateforme d’échange afin de renforcer l’autonomie stratégique entre partenaires européens. « Ce qui manque le plus à l’Europe aujourd’hui, cette Europe de la Défense, c’est une culture stratégique commune. Notre incapacité à agir ensemble de façon convaincante met en cause notre crédibilité en tant qu’Européens. (…) Je veux que cette culture commune s’étende, dans la lutte contre le terrorisme, à nos services de renseignement. Je souhaite ainsi la création d’une Académie européenne du renseignement pour renforcer les liens entre nos pays, par des actions de formation et d’échanges »[1], avait expliqué le chef de l’État.

 

Toujours dans le cadre de l’émergence d’une culture stratégique commune, l’Initiative européenne d’intervention (IEI) avait été lancée dans l’objectif de créer les conditions préalables pour de futurs engagements coordonnés et préparés conjointement, entre neuf pays européens. La création du Collège en mars 2019 avait alors parachevé ce projet et cette nouvelle institution s’articulait autour de trois missions principales : la sensibilisation des décideurs aux enjeux du renseignement, le partage des expériences et des savoir-faire, et la valorisation d’une réflexion stratégique. Les principaux arguments en faveur de ce collège sont le renforcement de l’autonomie stratégique et de la souveraineté face à des puissances comme les États-Unis, la Chine ou la Russie.

 

Il ne s’agit pourtant pas d’un service européen de renseignement intérieur à proprement parler mais plutôt d’une initiative intergouvernementale et d’un effort collectif des communautés du renseignement des pays européens. Le Collège ne sera donc ni un lieu d’échange opérationnel, ni un collège de formation, et ne se substituera pas aux structures en place : le renseignement antiterroriste multilatéral est déjà une réalité, et si un collège du renseignement peut sans doute renforcer le dialogue entre pays européens, une véritable agence européenne de renseignement reste inconcevable, en ce qu’elle ne tiendrait pas compte les réalités institutionnelles et ne servirait pas l’efficacité opérationnelle[2].

 

SOURCES ET REFERENCES :

 

[1]« Initiative pour l’Europe », Discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne le 26 septembre 2017 pour une Europe souveraine, unie, démocratique.

[2]MECHOULAN Éric, « Faut-il créer une agence de renseignement européenne ? », Institut français des relations internationales « Politique étrangère », 04/2019, p. 125-139.

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