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Crise au Vénézuéla : point de situation au 25 février
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Lundi dernier, Donald Trump a mis en garde les militaires vénézuéliens restant fidèles à Nicolas Maduro qu’ils risquaient leur futur et leurs vies. Il les a donc invités à accepter l’amnistie offerte par le président autoproclamé Juan Guaido ainsi qu’à laisser l’aide humanitaire entrer dans le pays. Le Président américain a tenu ces propos à Miami devant une foule principalement composée d’immigrés vénézuéliens et cubains (les électeurs hispanophones et la Floride devraient être des atouts importants lors de l’élection présidentielle de 2020). Donald Trump y a réitéré son soutien au chef de l’opposition Juan Guaido qu’il a reconnu comme président par intérim du Venezuela. Lors de son discours, il a demandé aux forces armées du pays de ne pas s’attaquer à Guaido ou aux autres personnalités politiques de l’opposition. Il a aussi rappelé que les Etats-Unis souhaitaient une transition de pouvoir pacifique mais qu’aucune option, y compris une option militaire, n’était exclue.

 

Cependant, la plupart des experts estiment qu’une action militaire reste peu probable : les Américains ont incité l’armée vénézuélienne à abandonner Maduro et ont publiquement annoncé s’attendre à un nombre croissant de défections. Pourtant, encore peu d’officiers ont retiré leur soutien à Nicolas Maduro. Certains analystes considèrent que le travail américain de sape visant à provoquer une mutinerie à grande échelle n’a pas été assez profond.

 

En effet, beaucoup d’officiers vénézuéliens profitent de la corruption mais aussi du narcotrafic et n’ont pas d’intérêts immédiats à un changement de régime. Néanmoins, ce n’est pas le cas du gros des troupes qui souffre de la dégradation des conditions de vie, en particulier l’hyperinflation qui réduit sensiblement leur pouvoir d’achat ainsi que les pénuries de nourriture et d’eau.

 

Côté brésilien, le vice-président, Hamilton Mourao, dément les spéculations autour d’une hypothétique intervention qu’il qualifie de simple «  rhétorique » du gouvernement Trump, Nicolas Maduro parlant lui de « show ». Le président Bolsonaro a quant à lui écarté toute volonté de « friction » avec son voisin vénézuélien.

 

Au plan politique, pour Donald Trump, le régime socialiste au Venezuela représente une idéologie « à l’agonie » et Nicolas Maduro n’est plus qu’une « marionnette » dans les mains de Cuba. Il a également associé les idées socialistes présentes dans ce pays d’Amérique latine avec le parti démocrate lors de son discours sur l’état de l’Union au début du mois.

 

Dans la continuité des propos du président Trump, le vice-président Mike Pence se rendra lundi 25 en Colombie où il adressera un discours de soutien aux membres du Groupe de Lima qui appuient Juan Guaido dans son duel avec Nicola Maduro. Il devrait également réitérer le soutien des Etats-Unis au leader de l’opposition avec lequel il est prévu qu’il s’entretienne au cours de sa visite.

 

Au plan opérationnel, les Etats-Unis ont envoyé plusieurs tonnes d’aide humanitaire en Colombie où elle a été stoppée par le refus de Maduro de laisser entrer cette aide. Il explique que cette aide serait un prétexte à une infiltration américaine du pays mais aussi que le Venezuela reçoit une assistance humanitaire de manière quotidienne : d’après lui, la Russie aurait ainsi envoyé 300 tonnes d’aide par avion mercredi dernier. Maduro a précisé que cette aide avait été payée par le Venezuela qui n’est pas « un Venezuela de mendiants ». De son côté, Jair Bolsonaro a déclaré qu’il appuierait l’entrée de l’aide humanitaire au Venezuela et faciliterait son passage à la frontière.

 

Dans ce contexte, l’aide humanitaire, gratuite, reçue dans les pays voisins reste bloquée par l’armée qui demeure fidèle aux ordres de Maduro, ce qui a suscité de vives tensions culminant en affrontements entre manifestants et forces de l’ordre au cours des tentatives, finalement avortées, d’entrée des convois humanitaires en divers points de la frontière principalement ce week-end. Au moins deux manifestants auraient été tués à la frontière brésilienne samedi 23 février tandis que les affrontements à la frontière colombienne auraient fait plusieurs centaines de blessés (285 selon le ministère colombien des affaires étrangères).

 

A l’issue des affrontements à la frontière, plusieurs dizaines (une soixantaine selon certaines sources) de membres de la Garde Nationale vénézuélienne auraient déserté et se seraient réfugiés en Colombie. Il importe enfin de souligner la participation des « colectivos » aux affrontements, il s’agit de groupes armés soutenant le régime vénézuélien et se réclamant de la révolution bolivarienne mais dont l’action principale consiste à user de la violence à l’encontre de toute forme d’opposition populaire.

 

Au plan international, les affrontements de samedi ont conduit Nicola Maduro à rompre les relations diplomatiques avec la Colombie tandis que le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a qualifié Nicolas Maduro de « tyran » et averti que les Etats-Unis répondraient à la situation du peuple vénézuélien et « tiendraient pour responsables les opposants à la restauration pacifique de la démocratie ».

 

L’aide américaine avait été transportée à la frontière de la Colombie et du Venezuela par l’US Air Force samedi dernier à bord de trois avions cargo C-17 Globemaster III depuis la base aérienne de réserve d’Homestead en Floride. La ville colombienne de Cucuta concentre l’aide devant être distribuée dans le pays voisin en crise. Elle devrait continuer à réceptionner l’aide américaine comme elle avait déjà reçue celle transportée par des avions commerciaux. Juan Guaido s’est rendu dans cette ville vendredi 22 avec un convoi devant faire rentrer l’aide humanitaire au Venezuela (c’est après son apparition dans la ville que la frontière avec la Colombie a été en partie fermée). Cucuta a vécu des affrontements vendredi et samedi durant lesquels des camions chargés d’aide humanitaire ont été incendiés.

 

Devant l’arrivée de l’aide étrangère, Nicolas Maduro (qui avait refusé l’accès du pays à cinq diplomates européens lundi dernier) avait ordonné jeudi 21 la fermeture de la frontière avec le Brésil jusqu’à nouvel ordre ainsi que la fermeture de certains points sur la frontière avec la Colombie.

 

Parallèlement, le commandant de la Zone Opérationnelle de Défense Intégrale 12 Falcon, le vice-amiral Vladimir Quintero Ramirez, a ordonné la fermeture de la frontière avec les iles néerlandaises d’Aruba, Bonaire et Curaçao dans les Caraïbes. Cela fait suite à la création, à l’initiative du gouvernement des Pays-Bas d’un centre d’aide humanitaire à Curaçao pour la population vénézuélienne. La fermeture frontalière s’accompagne d’exercices militaires vénézuéliens associant les différents corps des forces armées, y compris l’aviation militaire et la Milice Bolivarienne.

 

Dans ce contexte d’intensification de la crise vénézuélienne, se pose plus que jamais la question du soutien des forces armées au régime de Nicolas Maduro tandis que l’incertitude demeure quant à une éventuelle intervention militaire américaine.

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