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G5 Sahel : la force conjointe encore loin d’être opérationnelle
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Par Edouard Josse

 

 

Le Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix, Jean-Pierre Lacroix, a dénoncé mi-novembre la dérobade des pays qui ne tiennent pas les engagements pris le 23 février dernier lors de la conférence internationale sur le Sahel, à Bruxelles. « Plus que jamais, la force commune du G5 Sahel dépend de la communauté internationale », a-t-il assuré devant le Conseil de sécurité. Le 12 novembre, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, avait déjà présenté un rapport alarmant sur le Sahel et regretté publiquement le manque d’appui international à la force conjointe.

 

Pour rappel, la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) constitue le volet militaire du G5 Sahel, cadre institutionnel de coopération à l’échelle régionale voulu et poussé par la France. Bien que soutenue à bout de bras par Paris depuis son lancement en juillet 2017, cette force militaire de près de 5000 hommes réunissant des contingents de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, est restée de longs mois une coquille vide n’effectuant aucune opération sur le terrain.

 

Suite à l’attentat meurtrier de juin dernier contre le QG de la force à Sévaré (Mali), les relations se sont considérablement tendues entre les États sahéliens. Au lendemain de l’attaque, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz avait dénoncé des manquements au sein de l’état-major. Lors d’un sommet à Nouakchott, les chefs d’État membres du G5S avaient d’ailleurs décidé de remplacer le général malien Didier Dacko commandant la force par le général mauritanien Hanena Ould Sidi. Son adjoint burkinabé a en outre été remplacé par un Tchadien. Il avait aussi été décidé de transférer l’état-major à Bamako, en zone sécurisée. Ces réactions apparaissent clairement comme une ferme reprise en main par la Mauritanie et le Tchad, les deux États les plus stables au plan institutionnel de la bande saharo-sahélienne.

 

Aujourd’hui, le président mauritanien veut d’ailleurs « relativiser les choses », selon des propos rapportés par l’AFP le 21 novembre. D’après lui, loin d’avoir échoué, la FC-G5S fait même mieux que la MINUSMA avec moins de moyens. Il n’en demeure pas moins que la force n’est toujours pas opérationnelle. Le nouveau QG de Bamako, qui doit être financé par l’UE, n’est toujours pas construit et encore moins opérationnel.

 

La Mauritanie, qui héberge à Nouakchott le secrétariat général du G5 Sahel – l’instance politique de l’organisation régionale -, accueillera le 6 décembre prochain une conférence internationale de coordination des donateurs à Nouakchott, organisée avec l’appui de l’ONU et de l’UE. Concrètement, depuis la conférence de Bruxelles, il manque toujours près de la moitié des contributions annoncées, soit 199,49 millions d’euros sur un total d’environ 415 millions d’euros. Si le rapport onusien ne donne pas le détail des mauvais payeurs, on comprend que ce décalage est le fait de « pays non membres de l’Union européenne ». M. Guterres a formellement appelé les États qui ont pris des engagements de contributions à débloquer les versements annoncés aussi rapidement que possible. On sait notamment que l’Arabie saoudite, l’un des plus gros contributeurs avec 100 millions d’euros promis, n’a toujours pas livré les équipements prévus. À l’occasion du Conseil de sécurité du 15 novembre, l’ambassadeur de France à l’ONU, François Delattre, a lui aussi appelé à une « matérialisation sans délai » de l’aide promise par la communauté internationale.

 

Autre problème, le sous-financement structurel de la MINUSMA, laquelle souffre d’un déficit de 27,5 millions de dollars ne lui permettant pas de fournir à la force conjointe l’appui génie toute l’aide dont elle aurait besoin – notamment la fortification des bases avancées, à laquelle elle était pourtant tenue par son mandat. Naturellement, au vu de la menace permanente que constituent les engins explosifs improvisés dans la bande sahélo-saharienne, cette absence d’appui a des conséquences très concrètes sur l’opérationnalisation de la FC-G5S.

 

Sur le terrain, le manque de financement et le manque de matériel, le second découlant du premier, se vit souvent cruellement. Outre des bases avancées fortifiées, la force manque prioritairement de véhicules blindés et d’équipements de protection contre-IED : détecteurs, combinaisons et autres matériels de déminage. Ces lourdes pénuries en termes de capacités retardent d’autant sa pleine opérationnalisation.

 

Pour l’heure, l’état-major de la force conjointe, dans l’attente de la construction de son QG à Bamako, ne s’est toujours pas vu accorder de local transitoire par les autorités maliennes. Le commandement affirme avoir planifié des opérations malgré cette situation précaire. Pour autant, il n’existe aujourd’hui aucun calendrier défini pour la reprise des opérations, suspendues depuis l’attentat de Sévaré, et encore moins pour la réalisation de la pleine capacité opérationnelle de la force. Le désengagement militaire de la France, présente au travers de l’opération Barkhane, apparaît d’autant plus lointain.

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