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Le soutien d’Emmanuel Macron aux Kurdes : quels objectifs stratégiques?
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Le soutien d’Emmanuel Macron aux Kurdes : quels objectifs stratégiques?

 

 

Mon désespoir n’attend que leur indifférence

Ils n’ont qu’à m’interdire un reste d’espérance

Ils n’ont, pour avancer cette mort où je cours

Qu’à me dire une fois ce qu’ils m’ont dit toujours.

 
Racine, Andromaque, Acte II, scène 2

 

 

Le jeudi 29 mars, en témoignant de son soutien à des membres de la coalition arabo-kurde des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), Emmanuel Macron paraît avoir défié le sort, tant semble grande la détermination turque dans l’opération “Rameau D’olivier” – menée depuis le 20 janvier dans le canton d’Afrin – et tant semblent fluettes les voix qui s’y opposent.

 

De fait, la médiation proposée par le Président français n’a recueilli de la part de Recep Tayyip Erdogan que des rancœurs et des anathèmes: «Nous n’avons pas besoin de médiation. Depuis quand la Turquie veut-elle s’asseoir à la table d’une organisation terroriste?” a réagi le Président turc.

 

L’expédient trouvé par Emmanuel Macron était du reste insuffisant pour conjurer les regards circonspects d’Ankara: l’injonction conditionnant la médiation française à la rupture de tout lien entre les FDS et le PKK n’était qu’un trop visible stratagème pour éviter que le ton ne monte avec une Turquie qui constamment a associé les deux groupes.

 

Quel était donc l’objectif stratégique de cette manœuvre?

 

D’abord, une loi non écrite supposerait que les Etats membres de la coalition contre Daesh dussent, pour conserver leur crédibilité, protéger les Kurdes, du fait de leur rôle dans la lutte contre l’Etat islamique – un tel commandement échoirait donc notamment à la France.

 

Pourtant, à l’heure où Ankara semble déterminée à détruire les poches de résistance du PYD, et jouit pour cela de l’autorisation russe, les Occidentaux, faute d’appui suffisant sur le théâtre syrien, ne pourraient s’en remettre qu’à une intervention directe pour infléchir le cours des événements. Une telle opération semble évidemment impossible, du fait de l’appartenance de la Turquie à l’OTAN, et des accords, notamment migratoires, qui la lient à l’Union Européenne.

 

Une deuxième bataille de la France concerne spécifiquement la Turquie. Ankara, qui possède la deuxième armée de l’OTAN en termes d’effectif, n’en est pas pour le moins son meilleur élève : en témoigne l’achat à la Russie de systèmes de défense sol-air S-400 conclu par le président Erdogan en septembre 2017. Dès lors, il s’agit pour les Etats de l’OTAN – parmi lesquels la France semble vouloir occuper le premier rang – de faire respecter leurs positions auprès d’une Turquie bien décidée à jouer sa fortune diplomatique dans la paix syrienne.

 

La tentative de médiation du président Macron visait sans doute enfin à récolter les fruits du pouvoir américain disparaissant ; alors que l’annonce le vendredi 30 mars du gel de 200 millions de dollars destinés à la reconstruction syrienne fait suite à la déclaration de Donald Trump selon laquelle les Etats-Unis quitteront “très vite”  la Syrie, le désengagement de Washington est sur toutes les lèvres.

 

Le maintien américain en Syrie figurait parmi les sujets de dissension entre Donald Trump et son ancien chef de la diplomatie, Rex Tillerson ; le limogeage de ce dernier, le 13 mars, semble avoir consacré le triomphe de la position présidentielle. Un tel départ entrainerait toutefois un “vide de puissance”  qu’il faudrait combler.

 

Reste à se demander si une France qui n’a pas de point d’appui dans la région est assez influente pour intervenir sur le processus de paix syrien sans le soutien américain ; en attendant, les Kurdes semblent voués à la vindicte turque.

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