Lundi 28 septembre, la ministre des Armées Florence Parly a présenté le budget de son ministère pour l’année à venir. Pour la troisième année consécutive, ce budget est en hausse. Il suit à la lettre la loi de programmation militaire (LPM) en vigueur depuis 2019. Dans une année 2020 qui devrait se solder par un recul du PIB de 9 % (1), cette stabilité du monde des armées donne des indications sur la stratégie de sortie de crise du gouvernement.
En croissance d’1,7 milliard d’euros par rapport à l’année précédente, le budget du ministère des Armées progresse de 4.5 % pour atteindre les 39,2 milliards d’euros. Sur cette somme, 1,1 milliard d’euros seront alloués aux programmes d’armements majeurs. En réaction à la crise sanitaire, le budget du service de santé des armées est majoré de 27 %. Dans la continuité des années précédentes, les ressources humaines sont aussi en augmentation, un total de 300 postes supplémentaires seront à pourvoir en 2021 (2).
Alors que certains ministères comme celui de l’Economie et des Finances vont subir une baisse de budget au cours de l’exercice 2021, la hausse des crédits du ministère des Armées ne s’inscrit pas dans une démarche isolée. En effet, les ministères voient leurs budgets augmenter de 3,6 % pour l’année à venir. Cependant, en valeur absolue, le ministère des Armées est celui qui va recevoir la majoration la plus conséquente (3).
Le respect de la LPM, en dépit de la conjoncture économique actuelle, envoie un signal fort et renforce la confiance des armées dans l’exécutif. En effet, ce texte n’a pas toujours été suivi scrupuleusement, d’autant plus lorsqu’il prévoyait une augmentation continue du budget. Sur la période 1997-2002, la LPM n’a jamais été respectée, avec des écarts allant jusqu’à 2 milliards d’euros entre le montant inscrit dans la loi de programmation et l’exécution budgétaire. Cette programmation militaire n’a pourtant pas été victime d’une période de récession et n’avait pour objectif qu’une simple stabilisation du budget (4).
En 2009, la LPM a été rédigée en tenant compte de la crise financière qui avait débuté un an plus tôt. La loi de finance rectificative alla dans le sens d’une augmentation du budget des armées, mais ce changement ne fut pas pérennisé. Sur la période 2009-2014, la croissance du budget fut très limitée et loin d’être à la hauteur de ce qui était prévu avant le début de la crise financière. Cela témoigne de l’impact d’une conjoncture économique défavorable sur le budget alloué à la défense nationale. (5)
Depuis l’annonce d’une coupe de 850 millions d’euros dans le budget de la défense et la démission du Général de Villiers du poste d’État-Major des Armées à l’été 2017, le budget du ministère des Armées n’a cessé d’augmenter. La place de la défense dans les plans du gouvernement est désormais prépondérante.
Après l’annonce de cette hausse, Florence Parly a précisé le rôle du ministère des Armées dans la relance budgétaire de l’économie. Ces propos peuvent donner lieu à une lecture keynésienne de la situation. C’est une approche assumée par le gouvernement. L’industrie de la défense est, pour une large part, une industrie française. C’est un secteur qui emploie 210 000 personnes tant dans des grands groupes que dans des PME. Par ailleurs, la ministre a affirmé que le secteur des armées sera le premier recruteur de France en 2021. Cette hausse du budget n’est donc pas présentée comme une dépense de l’Etat, mais comme “un outil au service de la relance de notre économie.” (6)
À ce facteur économique, vient s’ajouter la dimension stratégique. La France souhaite conserver son statut de grande puissance militaire et cela passe par son autonomie en matière de technologies de défense. Dès le début de la crise sanitaire, ce ministère s’est efforcé de réduire les délais de paiement au maximum pour ne pas troubler la trésorerie de ses partenaires et ainsi conserver le tissu d’entreprises nationales qui donne à la France son autonomie en matière de défense.
En 2018, lors d’une audition portant sur la LPM au Sénat, Florence Parly avait souligné que “Les armées ont trop souvent servi, par le passé, de variable d’ajustement dans le budget de l’État” et a rappelé que 60 000 emplois y avaient été supprimés entre 2005 et 2015 (7). Le changement de dynamique est clair. Alors que l’économie française est mise à mal par le contexte sanitaire, l’heure n’est pas à une politique d’austérité. Au contraire, la hausse du budget des ministères et particulièrement du ministère des Armées, témoigne des ambitions de relance du gouvernement, une relance dont le ministère des Armées semble être une pierre angulaire. À un an de l’ouverture d’un débat autour de l’actualisation de la LPM, cette confiance entre l’exécutif et l’armée se développe à un moment où elle apparaît comme essentielle.