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Chine/Inde : escalade brutale sur la frontière himalayenne
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Dans la nuit du 15 au 16 juin, les tensions indo-chinoises sur la Line of Actual Control (LAC), frontière himalayenne de facto entre les deux pays, ont connu une brutale accélération dans la vallée de Galwan. 20 soldats indiens, dont un colonel, sont morts lors d’une attaque menée par l’Armée populaire de libération chinoise. La mort de cinq soldats chinois a été rapportée, sans que les chiffres officiels ne soient connus. A la suite d’un accord tacite de 1996, aucune arme à feu n’aurait été employée.

 

C’est la première confrontation meurtrière des deux pays depuis la mort de quatre soldats indiens en octobre 1975. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois en a rendu responsable les soldats indiens, qui auraient traversé illégalement la frontière par deux fois le 15 juin. Le gouvernement indien reporte lui une intrusion de soldats chinois sur le territoire indien qui n’aurait pas cessé avec les discussions entre les deux états-majors. Depuis le 5 mai en effet, des affrontements et des accrochages entre les deux armées ont été rapportées, coïncidant avec le déploiement de 4 000 soldats chinois et des mouvements de troupe de l’armée indienne. Le 6 juin, les états-majors avaient cherché à apaiser la situation.

 

Des deux côtés, se sont la construction d’infrastructures routières qui inquiètent. Côté indien, le prolongement de la route nationale 219 en Chine, dont le tracé se rapproche de l’Arunachal Pradesh, alarme. Côté chinois, la construction d’une route le long de la frontière, vers le village de Daulat Beg Oldie, proche du col de Karakoram (et donc du Xinjiang chinois), crispe. Les ministères des Affaires étrangères des deux pays ont convenu d’éviter toute action pouvant mener à une nouvelle escalade des tensions. Ainsi, la Chine a remis le 18 juin 10 soldats indiens capturés lors de l’attaque à l’Inde, et le communiqué de presse de l’armée indienne en date du 15 juin, amendé le 16 juin, rapporte un désengagement des deux pays dans la vallée de Galwan. Cependant, les opinions publiques indienne et chinoise se durcissent et des appels nationalistes se font entendre de part et d’autre, les deux pays dénonçant une action préméditée de l’adversaire.

 

Les relations sino-indiennes s’étaient déjà tendues récemment. Les critiques indiennes acerbes concernant le coronavirus et la présidence indienne de l’Organisation Mondiale de la Santé depuis le 22 mai ont pu soulever des craintes en Chine quant à une enquête internationale sur l’origine de la pandémie auquelle elle s’oppose. Surtout, le rapprochement de l’Inde et de puissances de l’Indo-Pacifique, dont les Etats-Unis et plus récemment l’Australie, inquiète la Chine.

 

En Inde, Narendra Modi n’a cependant que peu de choix. Il ne peut pas reculer face aux troupes chinoises sans perdre une partie de son électorat. Mais il ne peut pas non plus décider d’une réponse militaire sans prendre le risque de déclencher une guerre, et n’a aucune garantie qu’un mouvement de ce type soit soutenu par ses alliés. Beaucoup dépend de ce que la Chine cherche à tirer de la situation. Si c’est décourager l’Inde de s’engager plus en avant avec ses partenaires en matière de défense, Xi Jinping pourrait ordonner un retrait des troupes. Cependant, les affrontements se sont déroulés dans une zone d’intérêt stratégique pour la Chine, entre l’Aksai Chin indien et la vallée de Shaksgam, dans le Cachemire pakistanais. S’emparer de ce corridor stratégique, au coeur des projets sino-pakistanais de la Belt and Road Initiative (BRI) chinoise, permettrait tout à la fois à la Chine d’accéder directement au Pakistan et de bloquer les accès indiens à l’Asie centrale. Si jamais la Chine cherchait à redessiner la frontière indo-chinoise, tout en faisant comprendre aux autres puissances qu’elle n’hésite pas à s’emparer de ce qu’elle réclame, cela rendrait une diminution des tensions difficile.

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