Le traité de réduction des armes stratégiques nucléaires New Start arrivant à terme en 2021, le Traité Ciel Ouvert était l’un des derniers traités de surveillance et de contrôle des armements entre Moscou et Washington. Le 21 mai, Donald Trump annonce officiellement le retrait des Etats-Unis du traité, déjà remis en cause par les Américains depuis octobre 2019 sous l’impulsion des néo-conservateurs.
L’Open Skies Treaty (OST), proposé par Georges H.W. Bush en 1992, est un programme de vols de surveillance non armés en vigueur sur la totalité du territoire des 34 parties signataires, de Vancouver à Vladivostok. Effectif dès 2002, le traité a vocation à établir et pérenniser une confiance mutuelle entre les parties au sortir de la Guerre froide. Pourtant, le traité est devenu un terrain de friction pour les puissances russe et américaine.
Qu’est ce que l’Open Skies Treaty ?
L’OST est un dispositif aérien qui se fonde sur la collecte d’informations aériennes permettant aux pays observateurs d’être informés sur les manœuvres militaires des parties observées. L’encadrement des vols a été normé selon le traité, seuls les avions de transport militaires (C130 Hercules, Antonov An-30, etc..) équipés de capteurs infrarouges dont la résolution se limite à 50 cm peuvent survoler les parties signataires. Les pays décident des quotas annuels de survol bilatéralement, chaque partie étant obligée de recevoir un nombre minimum de survol, peut mener son observation à la mesure des quotas qu’elle a enregistré sur son territoire.
Depuis 2002, un total de 800 vols de surveillance a été effectué dans le cadre de l’OST. Les Etats-Unis et la Russie sont les principaux bénéficiaires du traité et acteurs des survols. Le traité permet cependant aux pays dont les capacités de surveillance et de renseignement sont moindres, d’évaluer plus efficacement les mouvements militaires de ses voisins. A cet effet, l’Ukraine utilise beaucoup l’OST pour surveiller les mouvements russes à sa frontière occidentale ou dans le détroit de Kerch.
Dissensions internationales
Depuis 2016, des premières tensions dans le cadre de l’OST ont vu le jour entre Washington et Moscou. Moscou a restreint son espace de survol en interdisant l’observation des territoires de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, considérés par le Kremlin comme indépendants de la Russie, donc dissociés du survol du territoire russe. Pourtant, ces régions appartiennent à la Russie. Egalement, Moscou a restreint la durée de survol de l’enclave de Kaliningrad, où siège le commandement de la flotte russe, au cœur de l’Europe de l’Est, point nodal des tensions entre la Russie et l’Europe. En effet, après l’annexion de la Crimée en 2014, Moscou a installé en 2016 à Kaliningrad, dans le cadre d’exercices militaires, des missiles de moyenne portée Iskander, capables de porter des têtes nucléaires. La restriction du temps de survol n’est pas contraire au traité mais démontre une certaine mauvaise grâce à établir une confiance mutuelle. Les Etats-Unis interdirent, en réponse au refus des Russes de collaborer, le survol aux aéronefs russes des territoires de la Flotte du Pacifique à Hawaii et de sites critiques de Fort Greely en Alaska.
Davantage, en 2019, les Russes ont modernisé leurs avions d’observation Tu-214ON avec des capteurs numériques, technologie non légiférée dans le traité. Les aéronefs normés par l’OST possèdent des caméras verticales, obliques et panoramiques et non numériques. Pour cette raison, les Etats-Unis soupçonnent Moscou d’espionnage, possible grâce à ses capteurs perfectionnés.
Au-delà de ces dissensions, les néo-conservateurs, incarnés par l’ancien conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, se plaignent et dénoncent également la charge financière augmentant avec les années. En effet, les modernisations effectuées par Moscou induisent l’alignement de Washington : le remplacement des capteurs coûterait 250 millions de dollars supplémentaires aux américains[1]dans le budget de l’OST.
Néanmoins, il n’y a que Washington qui désire se retirer du traité. Les Européens tentent au contraire de garder les Etats-Unis au sein du traité, qui leur assure un des seuls moyens fiables de récolte d’informations et de transparence militaire. Frileux d’être contraint par le droit international, les faucons de Washington faisaient pression sur Donald Trump depuis octobre 2019 pour se retirer du traité. Ils estiment que les satellites sont suffisamment efficaces pour ne pas user d’observation aérienne, ce que les Européens réfutent en évoquant une précision infaillible des aéronefs, notamment lors de mauvaises conditions météorologiques.
Si l’on pensait que le départ de John Bolton aurait permis à Donald Trump de rester au sein de l’OST, l’obstination des Russes à violer celui-ci a conduit Washington sur le chemin du retrait. L’effectivité de leur départ sera une réalité dans six mois : « Nous pouvons toutefois reconsidérer notre retrait si la Russie revient au plein respect du traité », a déclaré Mike Pompeo dans un communiqué. Les Européens, sans condamner la décision américaine, ont réaffirmé cette semaine la nécessité de l’OST et leur volonté de rester signataires.
[1]US Air Force, «Addendum to Fiscal Year (FY) 2019 Budget Request», mars 2018.