La province de Deraa, un des berceaux de la révolution syrienne en 2012, connaît depuis ce début d’année 2020 une recrudescence des protestations contre l’autorité du régime de Bachar al-Assad. Déjà début mars, l’armée arabe syrienne était intervenue à Al-Sanamayn à la suite de soulèvements dans sept villes du sud-ouest syrien, avec pour conséquence le transfert dans le gouvernorat d’Alep des combattants refusant la réconciliation avec le régime[1].
En 2018, après une importante offensive militaire, la région avait été pacifiée à l’aide de la médiation russe avec les différents groupes rebelles. Les accords prévoyaient que les rebelles déposeraient leur armement lourd en échange d’une amnistie. Ils étaient même encouragés à intégrer des milices pro-Assad, pro-iraniennes ou pro-russes. Ceux qui refusaient ces termes étaient déplacés dans la poche d’Idlib.
Si ces négociations ont garanti un certain apaisement avec le retour du sud-ouest syrien dans le giron du régime, il ne s’est pas pour autant traduit par une disparition des groupes rebelles. Ces derniers, bien qu’ayant accepté les accords, conservent leur organisation, leurs armes légères et leur implantation dans les campagnes aux alentours des grandes villes.
Le retour au calme ne s’est cependant pas traduit par une acceptation du retour du régime. Sont notamment critiqués depuis 2018 le service militaire obligatoire ainsi que la présence de milices pro-iraniennes chiites dans cette région à majorité arabe sunnite[2]. Alors que le chômage dépasse les 50%[3], des manifestations dirigées contre le régime et la présence de milices pro-iraniennes, des assassinats ciblés et des escarmouches se sont multipliés depuis le début de l’année. Selon l’organisation Jusoor, 384 tentatives d’assassinats ont eu lieu dans la province entre 2018 et avril 2020. 135 de ces tentatives visaient des rebelles reconnaissant l’autorité d’Assad, tandis que 205 ciblaient des dignitaires locaux.
Le 4 mai dernier, ce sont neuf officiers de polices qui furent assassinés à Muzairib. Selon un membre du Comité central de Deraa – comité formé en 2018 pour négocier la réconciliation avec le régime – la décision d’une opération militaire dans toute la région aurait été prise à ce moment-là par les plus hautes autorités syriennes[4]. De fait, des forces d’élite de la 4e division commandée par Maher al-Assad ainsi que des forces spéciales issues de la 15e division ont été déployées en renfort des 38e et 52e brigades de la 9e division qui contrôlent habituellement la région[5].
Le régime cherche à faire aboutir les négociations pour la réconciliation à son avantage, c’est-à-dire à revenir au statu quo ante 2011. Le projet d’une autonomie similaire à celle des Druzes porté par les chefs locaux de la région de Deraa serait inacceptable [6]
Les Iraniens semblent en faveur d’une vaste intervention militaire qui leur permettrait d’étendre leurs positions à l’ouest de Deraa, non loin de la frontière israélienne. Les Russes apparaissent plus circonspects faces à une telle perspective. Jusqu’ici ils ont agi pour garantir la stabilité de la région et il est possible qu’ils se refusent à interférer en faveur de leur allié syrien, ce qui leur permettrait de conserver leur rôle d’arbitre [7].
https://syriadirect.org/news/fear-and-uncertainty-in-daraa-is-reconciliation-over/
[4] https://syriadirect.org/news/fear-and-uncertainty-in-daraa-is-reconciliation-over/
[6] Ibid.