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« Between Iraq and a hard place »
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Par Margaux Sciandra,

 

 

Mardi 17 mars, la porte-parole du ministère des affaires étrangères de l’Irak, M. Ahmed Al-Sahaf a déclaré avoir déposé une double plainte auprès du Conseil de sécurité et de l’Organisation des Nations unies contre les États-Unis pour violation flagrante de la souveraineté nationale suite aux bombardements aériens menés par les forces américaines depuis son sol. Qualifiant cet acte d’«hostile» et en violation avec les conditions de présence des troupes américaines sur son territoire, le Commandement irakien des opérations conjointes, en plus de déplorer la perte de commandos irakiens, a dénoncé les raids aériens contre les sites sécuritaires, militaires et civils du pays.  

 

Théâtre privilégié des affrontements dans la guerre entre Téhéran et Washington, l’Irak est aujourd’hui pris en étau une nouvelle fois comme le souligne cette expression « between Iraq and a hard place » communément utilisée pour désigner la situation irakienne par les médias anglo-saxons depuis le fiasco de l’intervention de 2003.

 

Dans un communiqué du 12 mars le Pentagone indique avoir mené successivement des ripostes précises et proportionnées contre des bases abritant des brigades irakiennes des Kataeb Hezbollah après des attaques contre des sites stratégiques américains au cours de ces dernières semaines. Les sites visés par les milices chiites abritent toujours les forces de la coalition à hauteur de 5 200 soldats qui mènent conjointement avec les forces irakiennes des missions contre l’Etat Islamique. Cinq sites de dépôts d’armements ont été récemment visés en représailles; le Pentagone assure ralentir les capacités de nuisances de ces milices chiites. En début de semaine, de nouvelles attaques ont été également perpétrées contre des emplacements de la coalition internationale.

 

La situation est fragile pour la coalition internationale, en raison du climat de défiance grandissant dans le pays chez une partie importante de la population et de la classe politique. Une première résolution a été votée par le Parlement irakien pour demander le retrait des forces américaines. Bagdad, aujourd’hui, demande à ce que chaque riposte américaine soit approuvée au préalable par les autorités nationales dans un objectif de reconquête de sa souveraineté.

 

Tandis que l’administration Trump poursuit une stratégie d’endiguement de l’importance de l’Iran dans la région en supplément de lutte contre l’État islamique, l’Irak demeure l’un des pivots stratégiques de la politique régionale d ‘ influence iranienne. Le pays constitue un incontournable débouché économique pour la puissance chinoise déjà accablée par des sanctions américaines draconiennes. Dans ce jeu de provocations, les milices chiites irakiennes pro-iraniennes espèrent, par des attaques ciblées, continuer à tester la passivité américaine. Ces attaques répondent également à l’objectif initial de l’ancien général iranien, Qassem Soleimani assassiné en janvier dernier lors d’une attaque d’un drone américain, qui est celui de parvenir à une décrédibilisation de la stratégie américaine pour aboutir à la fin de la présence des Etats-Unis en Irak.

 

Dans un contexte de recrudescence des violences perpétrées par les différents protagonistes américains et iraniens sur son sol, l’État irakien continue d’être violemment secoué. En plus du défi sanitaire lié au Covid-19 qui s’annonce alors que les structures de santé sont défaillantes, les recettes liées à la manne pétrolière ont récemment chuté de près de 65% pour 2020 au risque de faire vaciller l’ensemble des institutions irakiennes. Avec la chute des prix du pétrole lié à la guerre des prix entre Riyad et Moscou, l’Irak, deuxième producteur de l’OPEP, est menacé par un cataclysme économique alors qu’il peine déjà à répondre aux nombreux défis existentiels nécessaires nécessaires pour espérer regagner sa souveraineté. D’autant plus que l’Irak est déjà accablé par un chaos politique endémique depuis la démission du Premier ministre Adel Abdel Mahdi en novembre dernier. La classe politique peine encore à obtenir la formation d’un nouveau gouvernement susceptible de répondre aux nombreuses revendications de la contestation populaire qui depuis plusieurs mois dénonce l’état de corruption généralisée de l’élite dirigeante.

 

La rue irakienne cherche également à se soustraire aux ingérences étrangères en dénonçant conjointement la présence américaine sur son sol au même titre que l’influence de l’Iran par le biais de ses milices. Cette colère s’exprime également autour de l’austérité imposée alors que les pénuries d’infrastructures sont criantes, notamment en matière de santé. Les défis successifs concernent les autorités irakiennes doivent impérativement répondre ne peuvent se faire sans un budget validé et un gouvernement doté d’une véritable légitimité politique. Pour l’heure, les Irakiens ne sont pas en mesure de pouvoir se réapproprier leur Etat.

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