Le 27 février 2020, des représentants de la Commission de l’Union Africaine (UA) et la Commission Européenne se sont rencontrés à Addis-Abeba pour leur 10ème réunion “Commission à Commission”. Ce rendez-vous annuel, qui s’inscrit dans le cadre du partenariat UA/UE, a été marqué par une participation record du côté européen, avec la présence, aux côtés d’Ursula von der Leyen, de dix-neuf Commissaires Européens et du Haut Représentant Josep Borrell. La délégation africaine était quant à elle composée du Président de la Commission Moussa Faki Mahamat ainsi que de neuf représentants de l’UA.
Cette réunion avait pour objectif l’alignement des deux Commissions sur quatre sujets principaux : le développement durable, l’investissement, le commerce et la numérisation ; la paix, la sécurité et la bonne gouvernance ; les migrations et les mobilités des populations ; le changement climatique. Elle visait également à préparer la sixième conférence des Chefs d’Etats UA/UE (prévue à l’automne 2020), et a été l’occasion pour Ursula von der Leyen de consulter ses partenaires africains à propos de la future Stratégie Africaine de la Commission Européenne. Celle-ci sera publiée officiellement début mars.
Cette réunion a été marquée par l’annonce du futur déploiement d’une force de 3000 soldats au Sahel par le Commissaire à la paix et à la sécurité Smaïl Chergui. Décidée lors du 33ème Sommet de l’UA début février, cette opération aura pour objectif d’appuyer la Force Conjointe du G5 Sahel (FC-G5) dans la lutte contre les groupes djihadistes de la région. Selon l’ambassadeur de l’Afrique du Sud auprès de l’UA Edward Xolisa Makaya, cette opération durera six mois. Les modalités du déploiement de cette force, tant au niveau financier qu’au niveau de son cadre de commandement, ne sont pas encore connues.
Cette décision semble indiquer que l’UA cherche à réaffirmer son leadership sur les questions de paix et de sécurité sur le continent, dans un contexte où le Sahel est confronté à une augmentation importante des violences liées aux groupes djihadistes. Selon l’ACLED (The Armed Conflict Location & Event Data Project), plus de 2600 civils sont morts entre Janvier 2019 et Janvier 2020 au Niger, Mali et Burkina Faso, ce qui correspond à 52% du total des victimes civiles enregistrées depuis 2012.[1]
Si cette annonce a été très bien accueillie par Josep Borrell, elle a également fait ressurgir le débat de la pertinence d’une concentration de la lutte contre le djihadisme sous le prisme sécuritaire. Si le besoin d’une réponse militaire est unanimement reconnu, et les efforts des forces en présence salués, les aspects politiques, économiques et sociaux de la crise sont cruciaux pour mettre fin à la déstabilisation du Sahel.
D’autant que l’efficacité de nouvelles forces sécuritaires peut poser question au regard du nombre important d’opérations déployées dans la région : avec les forces nationales, la FC-G5, la force Barkhane et la MINUSMA, on comptera au total cinq types de déploiements différents (sans compter les missions européennes de formation des forces de sécurité EUCAP Sahel Niger et EUCAP Sahel Mali).
SOURCES ET REFERENCES :
[1] LUENGO-CABRERA José, “Western Sahel : reported civilian fatalities”, infographie postée sur Twitter le 11 Février 2020.
https://twitter.com/J_LuengoCabrera/status/1227200510064824321