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Arabie Saoudite : Vers une reprise des relations diplomatiques avec le Qatar ?
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Arabie Saoudite : Vers une reprise des relations diplomatiques avec le Qatar ?

 

Mardi 10 décembre s’est tenu à Riyad le 40e sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Les attaques contre les sites de Aramco en septembre dernier et l’Iran furent l’objet de la majeure partie des discussions. Le roi Salmane d’Arabie saoudite, a réaffirmé La nécessité pour les Etats membres de coopérer et d’agir de concert face à « l’agression » iranienne. Dans son discours de conclusion, le secrétaire général du CCG, Abdoulatif ben Rachid el-Zaïani, a affirmé que « toute attaque contre un des six Etats du Conseil de coopération du Golfe est une attaque contre le Conseil entier ».

Derrière ces déclarations d’unité face à l’Iran,  il demeure une ombre au tableau. L’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al Thani, n’était pas présent à Riyad, et ne s’est donc pas pleinement associé à cette alliance stratégique dirigée contre l’Iran. Malgré l’invitation du Roi Salmane d’Arabie Saoudite, ce fut le Premier ministre qatarien qui représenta son pays.

Le Qatar fait l’objet depuis juin 2017 d’un ostracisme et d’un blocus de la part de trois des six pétromonarchies membres du CCG, à savoir l’Arabie Saoudite, Bahreïn et les Émirats arabes unis, auxquelles il faut ajouter l’Égypte. Le pays est de facto exclu du marché commun du CCG en vigueur depuis 2008. Les quatre États accusent le Qatar de soutenir des organisations terroristes : les Houthis, les Frères Musulmans, Daech et Al-Qaida. L’objectif inavoué du quartet est que le Qatar rentre dans le giron diplomatique du CCG, sous l’égide du Royaume saoudien. Depuis les années 1990, l’émirat gazier est souvent critiqué par ses voisins saoudiens et émiriens pour sa politique internationale jugée trop éloignée de la leur, et notamment pour ses relations avec l’Iran avec qui le Qatar partage un immense gisement gazier au milieu du Golfe persique (North Field, Qatar / South Pars, Iran). Le rapprochement avec la Turquie, le soutien apporté aux Frères musulmans durant les printemps arabes, ainsi que le soutien au gouvernement de Al-Sarraj en Libye sont autant de pommes de discorde sur lesquelles s’opposent Saoudiens et Qatariens.

Soumise à ce blocus, Doha n’a toujours pas plié face aux exigences de ses voisins  : la fermeture de la chaîne Al-Jazeera, l’arrêt de la construction de la base turque au Qatar ou encore une révision des liens avec l’Iran. Bien que le pays subisse un blocus terrestre, cela ne l’a pas empêché de commercer ni de maintenir de bonnes relations diplomatiques avec les grandes puissances. En décembre 2017, lors d’une visite à Paris, l’émir qatarien a signé des contrats commerciaux avec le président francais pour près de dix milliards d’euros. Ces contrats comprenaient l’achat de douze Rafale. De même, en octobre 2017, un accord de coopération militaro-technique fut signé avec la Russie à la suite duquel furent signés des contrats d’achat d’armes par le Qatar, tels des missiles antichars Kornet.

L’Arabie saoudite ne bénéficie même pas dans ce contentieux du soutien de son plus grand allier, les États-Unis. Le Qatar demeure un allié stratégique pour Washington qui dispose dans l’émirat d’une base militaire à Al-Udeid, essentielle pour le contrôle du Golfe persique.

Même lorsqu’il fut question de l’achat du système anti-missiles S-400, mesure pour laquelle le roi Salmane avait annoncé en 2018 que « le royaume serait prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer ce système de défense, y compris une action militaire » contre le Qatar il n’y eut aucune réaction notable de la part des États-Unis.

Le blocus se révèle dès lors inefficace, le Qatar ne subissant un embargo que de la part de quatre Etats dont la puissance n’est pas considérable. La stratégie adoptée par ces mêmes pays apparaît même très radicale et empêche toute possibilité de dialogue entre les parties. Accepter les exigences saoudiennes, évoquées plus haut, eut impliqué une capitulation et un renoncement à sa souveraineté pour le Qatar. Ces conditions n’ont fait qu’accentuer les différends qui opposent les deux pays ; le Qatar a ainsi quitté en janvier 2019 l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Si officiellement le ministre de l’Energie qatarien a justifié cette décision en décembre 2018 par sa faible production de pétrole (600000 barils / jour) et par la nécessité de se concentrer sur la production du gaz naturel liquéfié (GNL) dont il est le premier producteur mondial, il s’agit là encore d’une prise de distance avec la politique internationale saoudienne.

La coalition anti-Qatar n’a quasiment rien gagné de ce blocus. La question pour Riyad maintenant est de sortir de cette impasse sans perdre la face. À cet égard, le sommet du CCG situé à Riyad cette année, apparaissait aux Saoudiens comme une bonne façon de renouer le dialogue. Associer l’émir du Qatar à la déclaration finale d’unité face à la menace que représente l’Iran pour les pays membres du CCG eut été perçu telle une victoire, même limitée, pour le royaume des Saouds. De timides déclarations du ministre des Affaires étrangères qatarien début décembre faisant état de « progrès » dans les relations saoudo-qatariennes pouvaient laisser espérer un tel dénouement.

Force est de constater que cette perception n’est pas partagée par l’administration qatarienne. Le blocus n’a pas véritablement affaibli le pays. Par contre, depuis 2017, le prince hériter Mohammed ben Salmane a essuyé quelques déconvenues qui ont terni son prestige sur la scène internationale, au nombre desquelles l’affaire Khashoggi et l’enlisement dans la guerre au Yémen. De manière paradoxale, la mise au ban du Qatar par l’Arabie Saoudite semble avoir mieux réussi au premier qu’au second.

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