Par Claire Valor
Le 2 décembre 2019, la présidence finlandaise du Conseil de l’Union européenne présentait aux États membres sa proposition afférente au cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. Celle-ci met l’accent sur les priorités de l’UE comme l’action climatique, la recherche et l’innovation et la gestion des migrations. En invitant l’UE à investir dans la construction d’un avenir durable, il s’agit dès lors de renouveler un financement pour la politique agricole et de stimuler la croissance à travers une politique de cohésion. Des priorités stratégiques ont ainsi été identifiées ; force est de constater que le fonds européen de défense ne semble pas en faire partie.
Pour rappel, le parlement européen avait adopté en avril dernier un projet de règlement sur le Fonds européen de la Défense (FEDef) afin de soutenir la recherche en matière de Défense ainsi que le développement industriel à l’échelle européenne. Le projet était d’une part destiné à promouvoir la recherche et l’innovation dans le domaine militaire sur un marché compétitif face aux concurrents américains et chinois. D’autre part, il s’agissait d’harmoniser les productions afin d’éviter les surcoûts annuels du dédoublement, tout en construisant une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) pour renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne[1].
Alors que le nouveau commissaire européen chargé notamment des questions de défense, Thierry Breton, présentait son ambition de développer un fonds européen de défense au budget substantiel – 13 milliards d’euros pour la période 2021-2027, afin de favoriser l’innovation et encourager la coopération entre les pays membres – les négociations budgétaires ne paraissent pas des plus évidentes. La Finlande a en effet proposé un cadre financier moins ambitieux que prévu, pour tenir compte à la fois du départ du Royaume-Uni et de ses priorités. Cette revue à la baisse constitue une « ligne rouge » pour la France selon Amélie de Montchalin. La secrétaire d’État chargée des affaires européennes estime ainsi que la proposition finlandaise « est inacceptable au moment même où on dit qu’on veut une Europe qui puisse s’affirmer dans le monde. On a créé un fonds européen de défense (…). Maintenant il faut qu’on lui donne les moyens. »
La présidence finlandaise de l’Union européenne propose de fixer les contributions des pays membres à 1,07% du revenu national brut (RNB) des 27 États membres, soit 1.087 milliards d’euros. La Commission avait à l’origine proposé une contribution de 1,11% du RNB de l’UE, soit un budget de 1.105 milliards d’euros pour la période (contre 1,03 actuellement), tandis que le parlement européen plaide pour une augmentation à 1,3%. Cette réduction du budget impose donc des priorités, qui seraient dirigées sur la Politique agricole commune et les politiques liées à l’environnement ainsi qu’à la cohésion des territoires. Le Fonds européen de défense (FEDef) ferait donc partie des domaines moins prioritaires et sa part tomberait à 11,5 milliards d’euros.
Cependant, cette question des contributions au budget européen entraîne des discordances entre les États membres. L’Allemagne considère qu’une augmentation du budget serait problématique pour Berlin ; d’autres États tels que l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède ou le Danemark partagent cet avis. En l’absence de consensus, cela pourrait mener à un véritable blocage politique. La France, elle, plaide en faveur d’une autonomie stratégique européenne et s’oppose à toute réduction des budgets du FEDef. La proposition finlandaise reflète également les divergences entre les États membres et fera partie des discussions du Conseil européen des 12 et 13 décembre. Un compromis semble particulièrement difficile à trouver, mais les 27 devront se mettre d’accord sur le prochain cadre financier avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2021.
L’initiative du fonds européen de défense était portée par des raisons à la fois politiques, économiques, mais aussi stratégiques. Thierry Breton, souligne l’enjeu que représente la défense pour les années à venir et l’importance de disposer des technologies de défense adéquates et surtout souveraines. Selon lui, « ce sont 13 milliards d’euros qui vont être investis pour commencer à bâtir une industrie de défense européenne coordonnée sur l’ensemble du territoire européen sans laisser aucun membre de côté. Chacun doit, à son niveau, s’approprier une partie de sa défense »[2] et il ajoute, « la défense va être un enjeu absolument essentiel pour les cinq ans qui viennent de cette commission et ce sera sous ma responsabilité, avec pour la première fois la création d’une industrie européenne de défense coordonnée pour partie par la Commission européenne ».
[1] Brève Nemrod d’avril 2019
[2] Émission RMC du 2 décembre 2019.