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Premier bilan de l’état d’urgence au Tchad
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Par Louis Lafaurie

 

Ce samedi 30 novembre, les autorités tchadiennes ont dressé le bilan de l’état d’urgence proclamé par un décret du Président Idriss Déby le 19 août dernier, l’occasion de revenir sur une mesure controversée.

Cet état d’urgence répondait alors à la nécessité de faire cesser les conflits inter-communautaires meurtriers qui touchaient les provinces du Sila, de l’Ouaddai et du Tibesti dans l’Est et le Nord du pays. Au centre de ces hostilités ; la question des pâturages et l’utilisation du sol entre cultivateurs sédentaires et éleveurs nomades, dans des zones où la transhumance est intense.

Plusieurs mesures sécuritaires ont été proclamées par ce décret, notamment afin de désarmer les civils, les conflits ayant entraîné en août une centaine de victimes. À cette fin, il fut d’abord décidé de fermer les frontières avec le Soudan, la Centrafrique et la Libye, dont la situation actuelle favorise notamment les trafics d’armes. Le déploiement de 5 000 militaires tchadiens de même que la mise en place de perquisitions à domicile et l’interdiction de circuler à moto viennent enfin compléter l’état d’urgence.

Il ressort de ce premier bilan gouvernemental un certain apaisement des tensions dans les trois provinces, avec la saisie de 10 000 armes de tout calibres et la fermeture de 4 sites d’orpaillage clandestins. Ce bilan positif laisse entendre que l’état d’urgence aurait permis de restaurer l’autorité de l’Etat dans ces provinces.

Il apparaît cependant nécessaire de nuancer cette vision, à la fois dans ses objectifs officiels et dans ses résultats. Les opposants du Président tchadien Idriss Déby voient dans cette intervention de l’Etat une instrumentalisation des conflits inter-communautaires dans le but d’asseoir son autorité sur des provinces historiquement opposées au pouvoir en place. Cette opposition au pouvoir est majoritairement visible dans la province du Tibesti, par l’ampleur des rébellions et mouvements armés qui y opèrent. Dans ce contexte, la proclamation de l’état d’urgence peut être lue comme un moyen de reprendre le contrôle par la force sur des provinces dans lequel le gouvernement peine à s’imposer politiquement, sous couvert de légalité. Cette critique de l’opposition s’accompagne de la crainte d’un pouvoir accru laissé aux forces de l’ordre.

Par ailleurs, des exactions ont été relevées sur le terrain et dénoncées par de nombreuses organisations et associations de la société civile. Ainsi selon le secrétaire général de la Convention des droits de l’Homme (CTDDH) l’armée tchadienne se livre à des exactions, en particulier à l’est du pays. La majorité d’entre elles auraient été commises dans la province de Ouaddai, dans les villages de Chikchika et de Tiré, avec des arrestations arbitraires, des pillages, ainsi que des témoignages d’actes de torture commis sur les hommes de ces localités. Le CTDDH appelle à une mobilisation générale des associations des droits de l’Homme à l’échelle internationale. Le gouvernement d’Idriss Déby rejette en bloc ces accusations.

Si la volonté de paix et d’apaisement de l’Etat est réelle, seul un règlement juridique pourrait régler le problème de définition et de sécurisation des droits de propriété foncière, élément central des conflits communautaires.

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