Par Karan Vassil.
Cet automne, la Russie a effectué un véritable redéploiement diplomatique en Inde et dans les pays d’Afrique. Du 5 au 7 novembre, soit deux semaines après le sommet Russie Afrique de Sotchi, le Ministre de la défense indien Rajnath Singh, a été accueilli par son homologue Sergueï Choïgou en Russie, à l’occasion de la 19ème commission intergouvernementale de coopération technico militaire. L’objet de la visite était de renforcer le partenariat commercial en matière de défense et de définir les termes du Reciprocal Logistics Support Agreement (RLSA). La décision de renforcer la coopération en matière de logistique militaire avait été annoncée au début du mois de septembre lors de la visite du Premier ministre indien en Russie. Ce pacte de coopération logistique donne un avantage stratégique aux forces navales indiennes dans l’Asie du Sud Est et permet à la Russie de stimuler son industrie de la défense.
L’accord, en cours de négociation, prévoit que les forces militaires des deux États pourront utiliser les bases militaires et ports respectifs pour le ravitaillement et la maintenance des leurs équipements militaires. Or, l’Inde a auparavant conclu des accords similaires respectivement, avec les Etats-Unis en 2016, la France et la Corée du Sud cette année. Cet activisme diplomatique traduit les craintes indiennes face au géant chinois toujours plus actif dans la région. En l’occurrence, le RLSA va permettre à la Marine indienne de naviguer dans la mer de Chine orientale pour accéder aux ports des côtes pacifiques russes. Cette coopération logistique est rendue d’autant plus facile que 60% de l’équipement militaire indien est d’origine russe. Cette visite a été également l’occasion de jeter les bases d’un partenariat commercial de la défense valable jusqu’en 2030.
Du côté russe, la visite indienne a permis de relancer les exportations d’armes, qui ont connu une baisse générale de 17% entre 2014 et 2018. Cette tendance se confirme avec l’Inde, premier client de la Russie, dont les achats ont chuté de 42% sur la même période. Lors de cette visite, l’Inde a avancé 900 millions de dollars pour l’achat de cinq systèmes de missile SU-400, achat effectué en 2018. La Russie a également pu vendre 464 chars T90M et 18 avions SU 30MKI. Toutefois, l’Inde n’entend pas demeurer dépendante vis-à-vis de la Russie en matière de pièces détachées et de maintenance comme cela a pu être le cas dans le passé. C’est pourquoi elle a imposé le renforcement de la coopération militaire par des transferts de technologie et la mise en place de production jointe d’équipements militaires.
Si cette coopération renouvelée semble aider la Russie à surmonter les sanctions occidentales, elle pose le problème du conflit d’intérêts avec son partenaire chinois. En effet, la politique étrangère indienne porte l’empreinte d’une défiance grandissante à l’égard de la Chine. En développant la capacité de rayon d’action opérationnelle de sa marine, l’Inde cherche à contrebalancer la présence chinoise, et ce, dans le « pré-carré » chinois, à savoir la Mer de Chine orientale.