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Frustration turque sur la question du gaz méditerranéen
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Vendredi 13 septembre, le président de la République turque Tayyip Erdoğan a évoqué la question chypriote parmi d’autres questions internationales. Il avance que les causes du problème sont, d’une part, que les Chypriotes du Sud ne souhaitent pas partager les bénéfices des découvertes en gaz avec les Chypriotes du Nord ; d’autre part, que des pays n’ayant aucune légitimité à intervenir sur cette question, selon lui, s’avèreraient trop présents sur la question. Cette déclaration témoigne du sentiment de frustration de la partie turcophone de l’île à propos du gaz et des hydrocarbures se trouvant en Méditerranée orientale, notamment aux alentours de l’île. Ces propos tenus se trouvent dans la continuité d’une déclaration faite le 7 juin dernier.

 

Ce dossier est loin de se limiter à un simple arbitrage entre acteurs de la scène internationale sur l’exploitation des ressources en gaz, mais il influe sur toute la géopolitique régionale, reconduisant et prolongeant les tensions déjà présentes. En effet, trois grands gisements de gaz ont été découverts en Méditerranée orientale aux alentours de Chypre. Il s’agit, dans l’ordre chronologique, des gisements “Aphrodite” découvert par l’Américain Noble Energy, gisement situé à la frontière de la ZEE de Chypre-Sud et d’Israël, “Calypso” découvert en 2018 par les Italiens de ENI et les Français du groupe Total, et enfin “Galfcos” découvert par la société pétrolière et gazière américaine Exxon Mobil en partenariat avec Qatar Petroleum fin février 2019. L’ensemble de ces gisements représenteraient selon les estimations de Noble Energy près de 198 milliards de mètre cube de réserve ; or, ces demandes d’exploitation de ressources viennent relancer la difficile question de la souveraineté territoriale de Chypre. L’île, en effet, est divisée en deux communautés principales, grecque et turque. Chypre a connu en 1974 une séparation lors de l’intervention militaire turque contre la tentative de coup d’Etat du côté grec. Cette intervention a abouti à une partie Nord sous contrôle turc, et une partie Sud membre de l’Union Européenne, ce qui complique donc l’arbitrage qui aurait pour but l’attribution des ressources gazières à un Etat précis.

 

La découverte de ces gisements, dans et en dehors de la ZEE chypriote, offre de nouvelles options énergétiques tant pour Israël que pour l’Égypte. L’Europe est elle-même impliquée dans ces découvertes, d’une part par l’intermédiaire de compagnies d’exploitation comme Total ; d’autre part, la découverte de ces ressources apparaît comme la promesse de pouvoir compter sur une autre source d’approvisionnement que celle du gaz russe. De nouvelles solidarités se créent, à l’instar du East Mediterranean Gas Forum fondé fin juillet 2019 et situé au Caire qui exclut la Turquie. Ankara, en effet, est la grande perdante de ces découvertes en gaz, et multiplie les attitudes agressives. En mars 2018 l’armée turque a mené des opérations d’intimidation contre un navire d’exploration d’ENI au point de le forcer à cesser ses activités. Un deuxième incident a eu lieu, deux navires de forage ont opéré illégalement dans les eaux de Chypre Sud ; l’implication de l’Union Européenne, y est à nouveau soulignée, le 15 juillet, cette dernière condamnait ces activités.

 

Cette mise à l’écart de la Turquie intervient à un moment où le pouvoir en place à Ankara essuie des échecs politiques et économiques sur le plan intérieur, et se trouve donc en quête d’un regain de légitimité sur des questions de prestige national.

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