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Rapport annuel du Pentagone au Congrès sur la puissance militaire chinoise
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Par Lucie Haigneré

 

 

Le 2 mai dernier, le Pentagone a publié son rapport annuel au Congrès sur la puissance militaire chinoise, intitulé Military and Security Developments Involving the People’s Republic of China 2019 (« Les évolutions militaires et sécuritaires de la Chine pour 2019 »). Le Department of Defense (DOD) met en exergue plusieurs aspects des développements de la puissance militaire chinoise. L’introduction du rapport résume les objectifs sur une période de vingt ans : envisager les développements militaro-technologiques et les orientations stratégiques probables prévus par l’armée populaire de libération chinoise. On peut notamment y lire que « durant les dernières décennies, elles [les forces militaires chinoises] se sont concentrées pour faire advenir une Chine prospère et forte dotée d’une armée de rang mondial, permettant d’asseoir le statut de la Chine en tant que grande puissance dont le but est de s’assurer la prééminence du pouvoir dans l’aire indo-pacifique. » De plus, le rapport a pour but de décrire la relation sino-américaine en matière de coopération et de sécurité.

 

Le rapport accorde une place particulière à l’évolution de l’armée chinoise au regard de l’enjeu que représente la « réunification » avec Taïwan, séparée de la Chine continentale depuis 1949, mais que Pékin considère toujours comme l’une de ses provinces. L’île demeure un facteur de très fortes tensions dans la région entre le régime de Taipei et le régime de Pékin puisque ce dernier désigne Taïwan comme « l’enjeu stratégique » majeur des forces chinoises. En effet, la Chine a augmenté et diversifié son arsenal militaire en vue d’une potentielle invasion de l’île. Les moyens envisagés pour cette conquête vont du blocus naval et aérien à une invasion complète de Taïwan, néanmoins les analyses américaines rappellent qu’en cas d’invasion des plages taïwanaises, un grand nombre de navires permettant le débarquement sur l’île de forces amphibies seraient nécessaires. Or, il semblerait que Pékin ne construise pas pour le moment en nombre suffisant les très larges navires amphibies et de barges de débarquement pourtant essentiels à la conduite d’une offensive directe contre Taïwan (lequel impliquerait un débarquement sur les plages de l’île). La Chine a bien amélioré de façon quantitative et qualitative sa flotte par des sous-marins et des navires de combats, mais dans les années passées, le régime de Pékin n’a acquis que peu de navires d’assaut amphibie – landing platform docks (LPD). Il semblerait alors que les objectifs de Pékin soient pour le moment de renforcer ses capacités de combat naval de haute intensité et d’intensifier le caractère hauturier de sa marine en se concentrant sur la construction de porte-avions, de croiseurs et de grands destroyers et frégates, permettant des opérations océaniques.

 

La mer de Chine méridionale demeure un objectif stratégique prioritaire des forces militaires chinoises. Pékin souhaite incorporer cette zone maritime dans sa sphère d’influence et l’analyse américaine rapporte que les activités chinoises dans la région se traduisent par une recrudescence des patrouilles navales, des exercices militaires et l’artificialisation croissante de certains archipels et îles contestées, avec notamment la mise en place de systèmes A2/AD (missiles antinavires et antiaériens) et la construction d’infrastructures aéroportuaires. De manière plus innovante, le rapport souligne l’intérêt de la Chine pour l’Arctique, zone à haut potentiel géostratégique et économique. Ainsi, son deuxième brise-glaces devenait opérationnel en 2018 ; elle poursuit à présent la construction de navires dédiés aux patrouilles dans l’Arctique.

 

De plus, sur la question des développements militaires concernant l’armement, le rapport fait état des avancées chinoises en matière nucléaire, la Chine travaillant à développer sa flotte de SNLE. L’arsenal nucléaire chinois étant déjà composé de missiles balistiques terrestres et de missiles mis en œuvre par les forces aériennes, il semblerait que Pékin vise activement à compléter sa triade nucléaire (la mise en place de plateformes de lancement variées, terre, mer, air). Randall Shriver, le sous-secrétaire à la Défense pour les Affaires indo-pacifiques, n’emploie pas le concept de « triade nucléaire » mais reconnaît que les autorités chinoises « travaillent à l’élaboration de système efficients de tir dans les trois domaines. »

 

Autre aspect sensible, le rapport du Pentagone se concentre sur un trait de l’organisation par les autorités chinoises de la diffusion du renseignement militaire, un aspect revêtant une grande importance pour les chefs militaires américains. En 2015, les autorités chinoises ont créé le Strategic Support Force (SSF), une organisation qui centralise et réunit en son sein tous les renseignements concernant les domaines spatial, cyber, de guerre électronique et psychologique. Selon  le rapport, « en plaçant ces missions sous la même organisation, la Chine cherche à corriger les difficultés de coordination opérationnelle qui gênent le partage du renseignement » entre différentes entités militaires, cette réorganisation est un choix stratégique de la part de Pékin qui est bien consciente de la nécessité de disposer d’une chaîne précise et efficiente du renseignement pour disposer d’avantages tant tactiques que stratégiques, a fortiori au regard des ambitions stratégiques de la Chine.

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