Par Salomé Sifaoui
« Loyauté toujours, trahison jamais ! »
C’est avec ces mots que Nicolas Maduro s’est exprimé devant les 4500 soldats rassemblés à Caracas au Fort-Tiuna (une caserne faisant office de prison ), dans une allocution filmée et retransmise sur les chaînes du pays. Au soulèvement raté de Juan Guaido succède ainsi ce qui s’apparente à une chasse aux sorcières, ou plutôt aux « traîtres », pour reprendre les termes du Président vénézuélien.
Cette opération de représailles a commencé avec la défection du chef de la Sebin, les services secrets vénézuéliens, Christopher Figuera. Accusé d’avoir fomenté le coup d’Etat avec Guaido et ses alliés, C.Figuera est également soupçonné d’avoir « été recruté par la CIA il y a plus d’un an » et de travailler « comme traître, comme taupe, comme infiltré » déclare Maduro vendredi 10 mai. Son départ des services secrets vénézuéliens a été confirmé par le vice-président américain, Mike Pence, qui annonce dans le même temps que les sanctions à son encontre sont donc levées.
Christopher Figuera s’est ensuite exprimé dans une vidéo diffusée par la chaîne NTN24 : « J’ai tout sacrifié (…) J’ai demandé au président Donald Trump de lever les sanctions contre notre pays et il a répondu qu’il le ferait, mais s’il y avait une autre administration ». Sa participation à la tentative de ralliement du soutien des forces armées semble avérée par une liaison directe avec les Etats-Unis le 30 avril. Il aurait également contribué à faire libérer l’opposant Léopoldo Lopez, assigné à résidence depuis 2017. Celui-ci a d’ailleurs trouvé refuge dans l’ambassade d’Espagne à Caracas. A cet égard, la justice vénézuélienne a ordonné son arrestation, mais le gouvernement espagnol a réitéré ses gages de protection : « en aucun cas » l’Espagne ne livrera l’opposant aux autorités locales. Dans un décret présidentiel paru dans le Journal Officiel vénézuélien du 10 mai, C. Figuera aurait été dégradé et expulsé du territoire. Avec lui, 54 autres militaires ont été sanctionnés en raison de leur implication dans le soulèvement du 30 avril, dont le lieutenant-colonel Illich Sanchez, ex-responsable de la sécurité du parlement.
Outre les militaires, dix députés de l’opposition ont été inculpés pour leur participation active au soulèvement manqué. Accusés de « haute-trahison » et de « complot », le bras droit de Guaido, le vice-président du parlement Edgar Zambrano a été placé en détention provisoire à Fort-Tiuna. Enfin, on compte 25 militaires rebelles ayant demandé l’asile à l’ambassade du Brésil à Caracas.
Cependant Maduro a épargné le ministre de la Défense Vladimir Padrino, le chef de la garde présidentielle Ivan Hernandez ainsi que le chef de la cour suprême Maikel Morena, envers lesquels il a renouvelé sa confiance. En effet, Washington, par l’intermédiaire du conseiller à la sécurité nationale John Bolton a confirmé la tenue de discussions entre ces hauts dignitaires du régime, l’opposition et les Etats-Unis dans l’optique d’évincer le président vénézuélien. Ces discussions n’ont visiblement pas abouti et les trois hommes auraient fait marche arrière le 30 avril dernier.
A cet égard, Bolton a tweeté peu après : « C’était votre dernière chance, votre heure a sonné ! », avant que Washington n’adopte vendredi des sanctions à l’encontre de deux compagnies de transport maritime, Monsoon Navigation Corporation, dont le siège est situé aux îles Marshall, et Serenity Maritime Limited, basée au Liberia. S’ajoute à la liste noire américaine les navires respectifs Ocean Elégance et Leon Dias, accusés par le Trésor américain d’avoir servi à transporter du pétrole vénézuélien vers Cuba.
Enfin, ce samedi 11 mai, Juan Guaido a de nouveau appelé aux rassemblements dans Caracas. Présent à l’un d’entre eux, il a déclaré avoir demandé à l’ambassadeur vénézuélien aux Etats-Unis Carlos Vecchio, d’établir une « communication directe » avec l’armée américaine. Selon l’agence Associated Press, une possible « coordination militaire » pourrait être mise en place. Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a répondu disposer d’ « une gamme complète d’options », ne voulant ni statuer sur une réponse militaire, ni l’évincer. A ce stade, aucune intervention militaire américaine directe, voire même indirecte n’est envisagée par le Pentagone, même si différents scénarii sont envisagés.